Quel est l’avenir du sport automobile ? Où en sera la discipline Endurance dans une décennie ? Le GT5 remplacera-t-il le GT4 ? La Formula E parviendra-t-elle à séduire les fans de sport auto ? Quelle technologie sera privilégiée au Mans ? Le marketing sera-t-il toujours le maître du jeu ? Où en sera le e-sport ? Le public se rendra-t-il toujours sur les circuits ? Des questions comme celles-ci, on peut vous en poser des dizaines et des dizaines.
A une époque où le public et la presse désertent les circuits en dehors des grands événements, il va pourtant falloir inverser la tendance. Vu le traitement réservé à l’automobile dans son ensemble au XXIe siècle, Jean-Luc Lagardère doit se retourner dans sa tombe. Il est bien loin le temps où une marque française montrait aux yeux du monde son savoir-faire dans différents domaines : automobile, sport auto, armement, aérospatiale, aéronautique.
Tout va bien dans le meilleur des mondes avec une multitude de championnats à travers la planète. Il y a de moins en moins d’argent en sport auto et les séries ne cessent de se multiplier. Plutôt étrange comme situation. On ne peut donc pas dire que les sports mécaniques sur quatre roues vont mal. En revanche, le public a du mal à répondre présent.
Pourtant, ces dernières semaines nous ont donné de belles lueurs d’espoir. Entre Le Mans Classic et les Total 24 Heures de Spa, deux événements populaires, il y a de quoi se réjouir.
Et si l’avenir appartenait au passé…
Depuis 2002, Le Mans Classic ne cesse de se développer grâce à un marché de l’historique en plein essor. Les anciennes des années 20 aux années 50 ont toujours eu leurs aficionados. L’après années 50 intéresse de plus en plus. La question est de savoir jusqu’à quelle année on considère que c’est du Classic. Peu importe me direz-vous puisque l’objectif est de faire rêver les gens. L’historique fait rêver, la communion avec le public est indéniable. Se frayer un chemin dans le paddock du Mans début juillet était synonyme de parcours du combattant. Des milliers de gens sont prêts à débourser une centaine d’euros par personne pour venir voir des voitures sur un circuit. Alléluia ! Logique me direz-vous car non seulement les voitures présentes font rêver, mais elles sont accessibles. Vous pouviez vous approprier les 8000 autos présentes tout autour du circuit. Une Porsche 935, ça parle, une Toyota GT-One, ça parle, Une Lola T298, ça parle. Il suffisait d’écouter les conversations multi-générationnelles dans le paddock avec le père qui expliquait à son fils comment il avait vu rouler tel ou tel proto au Mans. On ne peut qu’espérer qu’il en sera de même dans 20 ans et qu’on saura faire la différence entre une ORECA, une Ligier et une Dallara. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas par le bruit qu’on fera la différence.
Interviewer un pilote au Mans Classic était un vrai casse-tête tant le public était proche des voitures et de leurs pilotes. On ne s’en plaindra pas car si on veut que le public continue de venir, il faut lui en donner pour son argent. Il faut de la proximité. Rien que le village des exposants valait le déplacement. A chaque discussion avec un pilote, on a senti un profond respect du public envers les pilotes. Il y aurait presque une gêne à les aborder. Un Manu Collard, pourtant en tenue civile, a fait le régal des fans en signant autant d’autographes, de photos, de miniatures qu’à l’apogée de sa carrière. Deux jours après Le Mans Classic, j’ai un reçu un mail d’un lecteur qui disait : “je vous ai reconnu dans le paddock du Plateau 5 en pleine discussion avec Romain Dumas. Je n’ai pas osé aller le déranger pour échanger avec lui, mais surtout passez-lui mon bonjour quand vous le verrez.” Où que vous soyez sur un meeting historique, si vous croisez un pilote, allez vers lui car tous sont ouverts et prêts à échanger, à vous raconter des anecdotes. Faites déambuler dans un paddock historique, Henri Pescarolo, Romain Dumas, Manu Collard ou encore Stéphane Ortelli, vous comprendrez vite qu’ils sont de vrais icônes pour les fans. On a testé, on peut vous en parler…
Embrasser le Raidillon, c’est possible…
Les Total 24 Heures de Spa restent un événement populaire. Si contrairement aux 24 Heures du Mans les Anglais et Danois n’ont pas encore investi le circuit belge fin juillet, on sent de plus en plus une internationalisation de l’épreuve. Pour cette 70e édition, Stéphane Ratel Organisation a innové en ouvrant les portes du circuit le vendredi soir, veille de la course, sans le moindre euro supplémentaire. Sitôt la Superpole terminée, l’un des plus beaux circuits du monde est devenu un lieu de rencontre entre passionnés. Les 19 GT3 étaient encore dans la voie des stands dans l’attente des vérifications techniques que le public a pu déambuler à loisir, prendre des photos, discuter avec les équipes et les pilotes. On vous mentirait si on vous disait qu’il y avait 50 000 personnes, mais il y avait du monde jusqu’à tard le soir. TOUT le circuit était ouvert au public.
Des anciennes gloires des 24 Heures de Spa étaient alignées devant les stands Endurance, dont le Peugeot 806 de 1995 qui a intrigué. Pascal Witmeur, à l’initiative de ce projet un peu fou, était là pour expliquer le pourquoi du comment de l’engagement de cette camionnette. SRO avait mis des autos dans le Raidillon, certains ont fait le tour du circuit en marchant, d’autres en courant ou en vélo. Pas un bruit de moteur, juste du calme.. On ne compte plus les fans qui ont embrassé le Raidillon, ce qui nous a quelque peu intrigué. Nous sommes allés à la rencontre d’un couple assis main dans la main dans ce fameux Raidillon : “C’est quand même incroyable d’être assis là à 20h la veille de la course. Demain ici-même, à cette heure, ce sera la guerre sur la piste. Je n’en reviens toujours pas. On a pu voir Romain Dumas (décidément, Romain a autant de fans en Belgique qu’en France) et Maxime Martin.” D’autres ont encouragé les mécaniciens du AKKA-ASP Team, alors en pleine reconstruction de la Mercedes #88.
A 22 heures, des pilotes de différentes équipes étaient attablés autour d’un verre (sans alcool) pour discuter le bout de gras avec des fans autour d’eux, tous enchantés de partager un moment avec les acteurs.
On ne sait pas si cette initiative d’ouverture du circuit sera renouvelée en 2019 mais on signe des deux mains. En mettant un accès à l’intégralité du circuit, le public était dilué, ce qui a empêché tout mouvement de foule. Cette foule était au rendez-vous à la parade dans le centre de Spa. On serait cru sur une étape du Tour de France. Les abords de la route depuis le circuit vers Spa étaient dignes de la montée vers L’Alpe d’Huez. Jamais la parade n’a déplacé autant de monde. Le changement d’heure a certainement aidé, tout comme la belle météo. Celles et ceux qui ont fait le déplacement ont vu passer bien mieux qu’une caravane publicitaire puisqu’ils ont vu devant eux près de 200 voitures de course toutes aussi belles les unes que les autres, et par-dessus tout bruyantes. Pour avoir eu la chance de faire partie du convoi au volant d’un monstrueux break de près de 500 chevaux, on a pu se rendre compte de l’engouement pour cette parade. Les quelques personnes qui ont gagné le concours EI/Speedactiontv pour assister au briefing des pilotes dans le Casino de Spa s’en souviendront longtemps. Le paddock au complet a investi les terrasses des bars pour une véritable communion avec le public.
Vous voulez que les gens reviennent sur les circuits ? Intéressez-les, faites-les rêver, donnez-leur quelque chose à raconter, créer l’envie pour les faire revenir, pariez sur la nouvelle génération. Les Etats-Unis et le Japon l’ont bien compris. En SUPER GT, on réserve des moments dans les stands aux enfants et leurs parents.
La décision de la FIA et l’ACO de remettre au goût du jour la catégorie GTP va dans le bon sens. Désolé mais une Toyota TS050 HYBRID ne fait pas rêver, contrairement à une GT-One. La nostalgie n’a rien à voir avec cela puisque la GT-One faisait déjà rêver en 1998.
Et les médias dans tout ça…
Si le public se déplace de moins en moins, il en est de même des journalistes avec des salles de presse qui sont principalement peuplées de photographes en dehors des grands événements. La question est de savoir ce qu’on veut faire des médias. Relater de simples communiqués de presse ? Aller chercher l’info ? Avoir accès aux acteurs ? Les médias veulent simplement faire leur travail. Si la recherche du scoop est la seule motivation, autant aller travailler dans un journal people. Si c’est pour relayer des communiqués de presse, autant rester chez soi. On a entendu des choses assez hallucinantes le week-end dernier dans la salle de presse de Spa. Tout le monde ne doit pas faire le même métier et c’est bien triste.
Les promoteurs font leur possible pour diffuser les courses en live streaming gratuit, ce dont on peut se féliciter vu que le petit écran boude le sport automobile en dehors de la F1. Vous pouvez tout suivre de chez vous. La palme du suivi revient au Tour de France avec son Race Center : simple et efficace. On demande à un média qu’il informe, ce qui est loin d’être toujours possible, croyez-moi. Et quand il informe, le lecteur demande qu’il le fasse du mieux possible, ce qui est normal.
Voici un petit florilège entendu il y a quelques semaines lors d’un résumé des 24 Heures du Mans 2018 sur une chaîne télévisée bien connue : Thomas Makowiecki, Michael Wainwright perd le contrôle de sa Golf (et non Porsche aux couleurs Gulf), la SM de Sarrazin, la Porsche 911 du Danois Dominik Kraihamer, la Porsche Dallara, Sport ORECA (pour IDEC Sport), l’Espagnol qui félicite son compatriote japonais.
On ne vous parlera pas du sujet des réseaux sociaux où tout le monde a un avis sur tout, où tout le monde crache sur tout le monde derrière un pseudo, où tout le monde est pilote, organisateur, directeur de course, contrôleur technique, ingénieur et j’en passe. On se plaint de ne pas connaître le vainqueur LMP2 des 24 Heures du Mans ? Plutôt que de se plaindre, on devrait plutôt se féliciter d’avoir un pouvoir sportif qui prend des décisions. Ensuite, il y a une procédure à respecter qui prend du temps et un résultat sera rendu. On a attendu combien de temps avant de mettre ‘non attribué” au palmarès du Tour de France de 1999 à 2005 ?
Ce qui est sûr, c’est qu’on ne sauvera pas le monde en faisant du sport automobile. On donne parfois un peu trop d’importance aux médias sur la publication de telle ou telle info. Quand on lit dans le quotidien L’Equipe au lendemain du Tour de France, journal propriété de ASO qui se trouve aussi être promoteur du Tour de France, on se dit qu’il n’y a pas de langue de bois : “On pourra regretter que David Lappartient, le président de l’Union Cycliste Internationale, et Dave Brailford, le manager de Sky, se soient comportés comme deux roquets qui se croisent sur un trottoir, se reniflent le postérieur et s’aboient dessus par presse interposée.” Fin de citation. Le sport automobile a un point commun avec le cyclisme professionnel, il joue sa survie auprès du public dans les prochaines années…