Avec 75 dossiers pour 60 places (+10 suppléants), il était écrit que la publication de la liste des engagés des 24 Heures du Mans allait faire sourire les uns, grincer des dents chez les autres. Comment pouvait-il en être autrement ? Au fil des années, le plateau s’est professionnalisé, les championnats Le Mans se sont développées et pourtant on est passé de 55 à 60 autos. N’oublions pas que quelques années en arrière seulement, il aurait fallu en éliminer cinq de plus. On se rend compte que les deux catégories les plus fournies sont celles où on retrouve des gentlemen : 17 LMP2, 18 GTE-Am contre 17 GTE-Pro et 8 LMP1, la catégorie reine.
Les dix suppléants font grise mine ce soir car vu la qualité des équipes sélectionnées, il ne faut pas s’attendre à de forfaits. Premier réserviste, Duqueine Engineering méritait amplement sa sélection. Le team managé par Yann Belhomme a fait les choses dans l’ordre avec une brillante année pour ses débuts en LMP2 sans Le Mans pour être fin prêt cette année. Avec Pierre Ragues, Nico Jamin et un double vainqueur de l’épreuve attendu dans la #30 en juin prochain, l’ORECA 07 du team d’Alès pouvait être classée parmi les favorites. Deuxième sur la liste, High Class Racing tourne autour du Mans depuis ses débuts en LMP2. Le team danois a le même profil que Duqueine Engineering avec l’impasse sur Le Mans la première année et déjà une place de réserviste en 2018. Le passage de Dallara à ORECA n’a donc pas tourné en faveur de High Class Racing qui méritait sa place sur la grille.
Que dire de la deuxième Ligier JS P217/United Autosports, seulement troisième réserviste ? Cette place a fait grincer des dents même parmi les adversaires de l’équipe anglo-américaine. Vu l’investissement dans les différents championnats labellisés Le Mans, l’absence de la deuxième Ligier a fait réagir l’équipe et ses pilotes. Sur le papier, United Autosports méritait à coup sûr une sélection. Rappelons que le team était en lice pour trois titres Asian Le Mans Series mais un seul est tombé dans l’escarcelle de United Autosports. Sans la casse moteur de l’ORECA 07/Algarve Pro Racing, les Anglais auraient carrément pu passer à côté du moindre titre.
Concurrent fidèle, Eurasia Motorsport figure au 4e rang. Le team de Mark Goddard est quasiment le seul vrai team asiatique au niveau de son personnel. Là aussi, une invitation était envisageable. Depuis son arrivée en LMP2, Panis-Barthez Compétition a toujours voulu engager deux LMP2 en ELMS. L’année où elle y parvient avec deux très beaux équipages, une des deux Ligier reste scotchée sur la liste des réservistes en 5e position. Dommage pour les Français qui ont fait tout ce qu’il fallait pour doubler la mise mais cela n’aura pas suffi. Même constat pour IDEC Sport, seulement 6e, et qui pour la deuxième année se fait recaler une de ses deux autos. Le Mans a besoin d’équipages gentlemen et la Ligier avait toute sa légitimité sur la grille. Rappelons que IDEC Sport a décroché la pole LMP2 des dernières 24 Heures du Mans.
Ebimotors, première équipe suppléante en GT, a débuté par la Michelin Le Mans Cup et gagné son ticket pour Le Mans l’année passée. Les Italiens ne rempileront malheureusement pas avec la Porsche qui est inscrite en ELMS. Pour ses débuts en FIA WEC, Team Project 1 répond présent puisque le team allemand mène le championnat WEC. Pour son retour au Mans, Meyer Shank Racing voulait s’associer avec Algarve Pro Racing pour faire rouler un équipage féminin avec au moins deux pilotes ayant un sacré pedigree. On aurait aimé voir l’ORECA 07 féminine aux couleurs Caterpillar mais les trois filles ne sont pas soutenues par FIA Women in Motorsport (on ne comprend d’ailleurs pas trop pourquoi), contrairement à celui de la Ferrari retenue. TF Sport Red River a fait le pari de l’Asian Le Mans Series cet hiver en plus du FIA WEC mais le team de Tom Ferrier figure en queue de peloton des réservistes. TF Sport met beaucoup de moyens pour diversifier ses programmes et voir une deuxième Aston Martin n’aurait pas été illogique.
Quand on a dit tout cela on a tout dit. Les dix suppléants méritaient une sélection, certains plus que d’autres il est vrai. Aucun dossier n’est à jeter. Alors que faire ? On vous donne les 75 dossiers et on vous demande de n’en retenir que 60 en tenant compte des critères. On a essayé et on peut vous dire que la tâche n’est pas facile. Siéger au Comité de Sélection est certainement tout sauf un long fleuve tranquille et on ne voudrait surtout pas être autour de la table (sauf pour avoir la primeur de la liste). Les décisions finales ne plairont de toute façon pas à tout le monde. C’est le propre même d’un Comité de Sélection.
Pierre Fillon s’est exprimé sur le pourquoi du comment de la liste avec le maximum de candidatures différentes avant de penser aux deuxièmes voitures en LMP2. La seule équipe à avoir deux LMP2 est Jackie Chan DC Racing qui doit ses deux prototypes à sa présence en FIA WEC. Arriver à 60 est un sacré défi. Alors oui, United Autosports aurait dû avoir une deuxième auto, certainement à la place d’une GTE-Am. A l’heure où on parle de parité, un équipage féminin LMP2 aurait été bien vu au même titre que celui en GTE. Quatre Ford et quatre Porsche en GTE-Pro, c’est certainement trop. Deux par constructeur était très bien. On passera sur le fait que Porsche a annoncé il y a quelques semaines sur les réseaux sociaux avoir quatre autos sans se soucier qu’un Comité de Sélection devait statuer. En GTE-Am, 11 des 18 autos sont soutenues techniquement par 3 équipes (AF Corse x5, Proton x4, Kessel x2).
Pour contenter tout le monde, la piste pourrait rendre son verdict avec des chronos pour départager les sélectionnés. Il faudrait pour cela arriver à caser 75 autos dans les stands sur une journée d’essais, ce qui n’est pas simple mais faisable. Comment faire si une auto inscrite en FIA WEC ne devait pas se qualifier ? Toutes les candidatures ne sont pas fantômes car chaque équipe dispose bien d’une auto et toutes (ou presque) ont un programme complet.
L’équation est simple : 75 – 15 = 60. Il faut donc en éliminer 15. Mais lesquelles ? Nous sommes nous aussi capables d’accoucher d’une liste de 60 engagés. Mais est-ce la bonne ? C’est un peu à l’image du football où tout le monde se dit sélectionneur. Il y a le choix du coeur et le choix de la raison. Il faut statuer sans décevoir. Impossible ! C’est d’autant plus compliqué quand on sait que les budgets sont montés en fonction d’une participation aux 24 Heures du Mans. Certains pilotes ont le budget pour un programme ELMS sans forcément l’avoir pour Le Mans. Il est plus facile pour l’équipe de trouver un client pour la plus grande course d’endurance au monde. Tracy Krohn, fidèle depuis 2006, en est le parfait exemple mais la voiture sur laquelle il devait rouler cette année au Mans figure sur la liste des réservistes.
Depuis la révélation de la liste, notre téléphone n’arrête pas de sonner. Entre appels, sms, mails, messages WhatsApp, les candidats nous font part, pour certains de leur satisfaction, pour d’autres de leur mécontentement. On comprend les uns et les autres, mais on a beau le tourner dans tous les sens, il en faut 60 à l’arrivée (sur la liste, pas le dimanche à 15h)…