Le monde de l’endurance a forcément en mémoire les 20 ans du décès de Bob Wollek sur une petite route de Floride dans la foulée du warm up des 12 Heures de Sebring 2001. Le pilote officiel Porsche était parti se dégourdir les jambes sur son vélo. Malheureusement, il ne rentrera pas au circuit, fauché par un camping-car.
Adulé par les uns, mal aimé par les autres, Bob Wollek ne laisse pas indifférent. Son décès datant de 2001, Endurance-Info n’a jamais eu la chance de l’interviewer, ce qui pour moi restera comme un goût d’inachevé. Impossible de changer le destin. Personnellement, Jean Rondeau et Bob Wollek resteront comme deux cases non cochées dans ma petite carrière de journaliste.
Je n’ai pas connu Bob Wollek, mais j’ai dévoré le livre “Bob Wollek en marge de la gloire” écrit par son ami Jean-Marc Teissedre. Toute sa carrière y est décortiquée et les photos sont toutes magnifiques. On comprend mieux le caractère trempé du bonhomme. Le 17 mars 2001, alors que Internet n’était pas aussi développé qu’actuellement, je m’apprêtais à suivre les 12 Heures de Sebring comme je pouvais. A cette époque, je n’étais pas journaliste et je n’avais encore jamais mis les pieds dans un avion. Alors aller à Sebring…
Je ne sais plus trop ce que je faisais il y a une semaine à la même heure, mais je me souviens où j’étais quand j’ai entendu à la radio le décès accidentel de Bob Wollek il y a 20 ans. A l’image d’un Michael Schumacher, qui lui est toujours en vie, comment un pilote qui a risqué sa vie sur tous les circuits du monde peut être fauché aussi bêtement ?
Bob Wollek restera comme le pilote qui a couru après le succès aux 24 Heures du Mans, lui qui compte 30 participations. Skieur émérite, cycliste confirmé, l’Alsacien a connu le succès sur tous les circuits du monde sauf au Mans. C’est aussi ce qui fait la légende de Bob Wollek. Son caractère ne semblait pas faire les beaux jours des journalistes.
Rien que l’anecdote racontée par Janos Wimpffen dans le livre de Jean-Marc Teissedre vaut le détour. Alors qu’il roulait à Portland en 1999, Bob Wollek passe en salle de presse pour récupérer un annuaire, mais la fille derrière le comptoir lui demande de le consulter sur place et de ne pas partir avec. S’en suit une discussion acharnée entre les deux jusqu’à l’intervention de Janos Wimpffen qui lance à la fille ‘ne faites pas confiance à cet homme, il n’a jamais été capable de gagner au Mans’. C’est là que le pilote a commencé à taper sur la tête de l’ami Janos avec le fameux annuaire sous les yeux ébahis de la fille de la salle de presse.
Sans avoir connu Bob Wollek, je ne peux pas me prononcer sur l’homme. Toutefois, je pense pouvoir dire qu’il fallait apprendre à le connaître. Stéphane Ortelli pourrait vous en parler en bien durant des heures, tout en confiant sa tristesse du Mans 1998 malgré la victoire du Monégasque.
Yannick Dalmas pourrait vous parler de l’histoire de la Porsche 911 GT1 et du proto ex-TWR un an après que Bob Wollek se soit traité lui-même de ‘roi des cons’ suite à sa sortie de piste au Mans.
Autre caractère bien trempé, Christophe Bouchut a lui aussi partagé le baquet avec le quadruple vainqueur des 24 Heures de Daytona. En 1996, les deux ne roulaient pas dans la même voiture au Brésil, Bouchut chez Larbre, Wollek chez Konrad. C’était le temps de la Porsche 911 GT2. La veille de la course, Christophe Bouchut avait fait la fête, si bien qu’il manquait de sommeil. La suite, il l’a raconté dans l’ouvrage sur Bob Wollek : “Je préviens Jack (Leconte), vu mon état, je ne garantis aucun résultat. A l’arrivée, avec Goueslard, on gagne et Bob finit second. A peine sorti de la voiture, il va voir Jack et lui dit qu’il n’a jamais vu un gars remporter une course en faisant autant de fautes de conduite et en se retrouvant un virage sur deux hors trajectoire. En fait, j’étais entre à moitié endormi et un peu éméché.”
Pour Eric Hélary, avec qui le Strasbourgeois a disputé les 24H du Mans 1995, l’entente entre les deux n’a jamais été au beau fixe. “J’ai l’impression d’être passé à côté du vrai Bob Wollek“, dira après coup Hélary. “Celui-là, je ne l’ai jamais connu.”
En tant que journaliste, vous ne faites pas n’importe quoi quand vous allez voir un pilote durant une course. Le pilote est dans son univers de la course et sort peu, voire pas du tout, de sa bulle. Personnellement, vous avez très peu de chance de me voir dans un stand durant une course. Il y a suffisamment de moyens de communication sans aller emmerder un pilote avec des questions qui de toute façon vont… l’emmerder surtout si les choses se passent mal. Il y a un temps pour tout. Avec le temps, on sait aussi quand y aller et quoi dire. J’avoue tout de même qu’aller interviewer Bob Wollek devait être quelque chose.
Les pilotes peuvent parfois impressionner. Je vais juste vous raconter une anecdote. Nous sommes avant la création d’Endurance-Info, du temps d’Infoscourse. Je suis à Spa pour la journée test des 24H de Spa. Je voulais interviewer Christophe Bouchut, que je ne connaissais que de réputation. A cette époque, Christophe était le king du GT1. J’avais forcément lu des interviews de lui où il était cash. J’étais bien plus timide que maintenant et je me demandais quel accueil il pourrait me réserver. Sur cette journée, j’étais avec Michel ‘Canard’ Marchetti qui connaissait bien Christophe. J’hésitais à aller le voir. J’y vais ? j’y vais pas ? Canard sentait bien mon hésitation. Le hasard a fait qu’à un moment Christophe était proche de nous. Canard lui lance avec le sourire : ‘tiens y a mon ami Laurent qui veut t’interviewer mais il a peur de toi’. Et là, j’ai cru me liquéfier, pas par peur, mais de la réponse que j’allais avoir en retour. Ce n’était pas de la peur mais de la timidité. Croyez-le ou non, mais l’interview s’est passée à merveille, comme les suivantes. Depuis, j’ai passé avec plaisir des heures et des heures au téléphone avec Christophe, et même encore maintenant.
Les champions peuvent avoir des bons jours et des mauvais jours. Tous les pilotes veulent la même chose : le respect. C’est pourquoi je pense qu’avec Bob Wollek, il valait mieux retranscrire parfaitement ses propos.
Bob Wollek était un immense champion, cela ne fait aucun doute. Avec lui, comme avec d’autres, il fallait certainement percer la carapace pour voir la vraie personne.
Le hasard du calendrier a voulu qu’aujourd’hui-même, je pose mes fesses dans un ancien prototype piloté par Bob Wollek. Pour l’interview, je vais patienter encore un peu. On verra cela là-haut, mais plus tard…
Retrouvez quelques punchlines de Bob Wollek ici et là