Après un repos bien mérité, Michael Hopkins, Victor Glover, Shannon Walker et Soichi Noguchi vont pouvoir visionner tranquillement les 6 Heures de Spa. Les quatre astronautes ont quitté la Terre le 14 novembre 2020, soit le jour des 8 Heures de Bahrain, dernière manche WEC 2020. La capsule Crew Dragon conçue par SpaceX est revenue sur Terre dans la foulée des 6 Heures de Spa, première manche WEC 2021. Le vol retour depuis la Station internationale spatiale a duré environ 6h30, soit à quelque chose près la durée de la manche spadoise.
Que vont-ils découvrir en regardant les 6H de Spa 2021 ? Que rien n’a changé depuis la finale 2020 ? Pour celui qui a quitté la planète Endurance à la mi-novembre et qui a rallumé sa télévision pour Spa sans suivre l’actualité, que va-t-il voir s’il regarde les images sans son ? Que Corvette est là et qu’Aston Martin n’est plus là. Pour le commun des mortels, la Toyota n’a pas changé et l’Alpine est toujours bleue. En grattant un peu, beaucoup de choses ont changé.
Depuis les débuts d’Endurance-Info il y a maintenant près de 15 ans, on nous parle d’année de transition quasiment chaque année. A Spa, le mot qui revenait sur toutes les lèvres n’était pas transition mais stratification. Celui qui rajoute le son à l’image est perdu. Il y voit une Toyota toujours rouge et blanche, mais on lui parle de catégorie Hypercar. Il y voit une Alpine bleue qui lutte face aux Toyota. Il y voit des LMP2 qui sont plus rapides que les voitures de la catégorie reine. De quoi bouleverser cette stratification. Pour le public, la vraie nouveauté 2021 sera la 007 LMH de Glickenhaus.
Pourtant, 2021 est bien une année de transition avec les débuts de la catégorie Hypercar et la possibilité de faire rouler une ancienne LMP1 dans cette catégorie. Si tout se passe comme prévu, la révolution sera pour 2023, l’année du centenaire des 24 Heures du Mans. Là les amis, si tout ce qui est en chantier va au bout, attachez vos ceintures, ça va secouer. Quasiment autant que Crew Dragon à l’amerrissage.
“La patience est une vertu, mais j’apprends la patience. Et c’est une leçon difficile.”
– Elon Musk
En attendant, il faut que tout le monde prenne ses marques. Les mauvaises langues vous diront que ces 6H de Spa 2021 n’avaient rien de différent de l’édition 2020, exception faite que Alpine a pris la place de Rebellion. Vous en trouverez même pour vous dire que l’Alpine est une Rebellion qui a changé de nom, ce à quoi on vous répondra que c’est faux car le châssis utilisé, conçu par ORECA, est neuf. Quant au moteur V8 Gibson, il puise ses ramifications chez Renault du temps des World Series. Il y a donc un lien, certes assez éloigné.
Si on s’en tient à la BOP en place à Spa, Alpine ne battra pas Toyota à la régulière. La BOP doit, comme les équipes, trouver ses marques. Il faut laisser du temps au temps, certes moins que le premier vol réussi de SpaceX qui a mis deux ans avant de se concrétiser.
L’un des objectifs du futur de l’endurance sera de conserver les fans actuels et aller en conquérir de nouveaux. Pour cela, il faut de la clarté. Est-ce que l’on doit encore parler de LMH et LMDh ou se contenter de dire Hypercar ? Personne n’a jamais rien compris aux 2 MJ, 4 MJ, 6 MJ et 8 MJ du temps des LMP1. Gérard Neveu, alors directeur général du WEC, martelait qu’il fallait mettre de côté le discours technologique pour mettre en avant les pilotes. Le public n’est pas ingénieur, il veut juste des belles voitures et des bagarres sur la piste.
En 2021, dans un monde où tout va très vite (trop vite), est-ce que le public est toujours prêt à suivre des courses de 6 heures ou 8 heures sans décrocher ? Au XXe siècle, les courses ne se regardaient pas, elles se lisaient dans Auto Hebdo. Les temps ont changé. Même la F1 se réinvente en tentant des courses courtes. Il est vrai que la discipline porte le nom d’Endurance. Une chose est sûre, pas touche aux 24 Heures du Mans. Si à moyen terme on a les 24H de Daytona, les 12H de Sebring et les 24H du Mans inscrits au championnat WEC, alors pourquoi pas faire des formats différents sur les autres meetings… Une course de trois heures à deux pilotes ? Deux courses de deux heures par meeting avec une grille inversée pour le top 10 ? On pourrait même avoir une course Hypercar et une GT le même week-end.
Ceux qui arpent les paddocks actuellement le savent très bien, cette catégorie Hypercar s’annonce comme un franc succès. Les constructeurs déjà annoncés et ceux qui discutent n’ont pas besoin de démarcher les clients car ils viennent directement. Un constructeur nous a confié avoir déjà un nombre de commandes, certes virtuelles, qui dépasse tout ce qu’on pouvait imaginer alors que la voiture n’existe pas encore. Si le GT3 fait son arrivée à la place du GTE, alors il va falloir pousser les stands. On ne sait pas de quoi sera fait demain mais à ce jour les signaux sont au vert. La question suivante sera de connaître l’avenir du LMP2 post 2022. On peut penser qu’il sera réduit à néant en WEC compte tenu de l’attrait de l’Hypercar.
A son retour sur Terre, on espère que Thomas Pesquet pourra constater la consolidation de la stratification en Hypercar. L’Endurance va poursuivre sa mutation qui sera terminée au lancement de DearMoon. On a hâte !