Depuis 2006 et le lancement d’Endurance-Info, j’ai tout accepté : la BOP, l’EoT, la catégorisation des pilotes, le success ballast, les moteurs uniques en LMP2 et LMP3, le temps minimum à respecter lors d’un ravitaillement, le fait qu’un diesel remporte les 24 Heures du Mans, que Nissan puisse gagner (ou pas) Le Mans avec sa… voiture, la fin du GT1, qu’on puisse siffler un président de la République qui vient au Mans, qu’on me dise que les Total 24 Heures de Spa ‘c’est bien mais bof’, qu’on vienne me dire que c’est un scandale que Thomas Laurent puisse passer d’un karting à une LMP3 à son âge, qu’on vienne me dire que je ne comprends rien au sport auto, que je sois un criminel si je roule à 160 km/h sur une autoroute déserte. J’ai même accepté qu’on soit contraint de faire payer des articles pour vivre et tout faire pour se développer mais je tiens à ce que cet article soit gratuit.
Ces dernières semaines ont soufflé le chaud et le froid. Alors que les pilotes Ferrari se chicorent en Formule 1, que le retour de Peugeot en Endurance est officiel, que Citroën sort du WRC avec une communication digne d’un ‘on part, on ne sait pas comment l’annoncer, donc on va dire que c’est de la faute du pilote qui est parti’, c’est maintenant Volkswagen qui se désengage de tout sport automobile thermique. Vous me direz que cela ne concerne en rien la discipline Endurance vu l’absence de la marque allemande mais ce retrait interpelle et traduit l’air du temps.
Tout le monde s’est rué vers la Formula E au risque d’affaiblir un Championnat du Monde d’Endurance qui faisait la part belle à l’hybridation. Je ne peux même pas vous dire si la Formula E a un intérêt ou pas car je n’ai pas regardé la moindre course comme je n’ai jamais vu un GP de F1 de ma vie en intégralité. Moi, je suis un ayatollah des GT et prototypes (ce surnom n’est pas de moi mais d’un journaliste F1 bien connu). Les deux seules autres disciplines que je regarde sont le Supercars et le stock-car brésilien. Mon père m’a éduqué à l’Endurance, alors pourquoi aller voir ailleurs même si je ne critique aucunement la F1 et la FE. C’est juste que je ne suis pas attiré.
Peu importe que l’annonce de Volkswagen touche l’Endurance ou pas, l’info n’est pas positive. Pour ma part, je suis simple journaliste, pas une seule seconde ingénieur et encore moins patron d’un grand constructeur. Donc, il faut acheter une Volkswagen Golf GTI ou une e-Golf au rabais en attendant l’ID.3 ? Si j’écoute VW, il faut acheter l’e-Golf pour faire au maximum 231 km. Et la Golf GTI, c’est donc caca car c’est GTI.
Quand tout le monde se rue vers l’électrique, le Mans se tourne vers l’hybride (ou pas car c’est selon le choix des constructeurs) avant de se diriger vers l’hydrogène. Par chance, on a évité au kilomètre obligatoire ‘full électrique’ sur chaque manche WEC. Il ne faut pas se voiler la face, il faut vivre avec son temps. Il est bien loin le temps des moteurs V12 qui consommaient à gogo. Vous préférez quoi ? Thermique ? Electrique ? Hybride ? Hydrogène ? Bien sûr, le thermique, mais pour combien de temps ? Croyez-bien que les marques se tapent pas mal de notre préférence. Les législateurs ont une marge de manoeuvre mais qui n’est pas extensible. Depuis que le marketing a pris le dessus sur le sport, les constructeurs n’ont plus la même vision du sport auto. On nous fait bien croire que la Formula E est entièrement ‘green’. Voir Pierre Fillon boire de l’eau rejetée par Mission H24, ça c’est green.
Tout le monde est maintenant suspendu à la décision de savoir si les DPi 2.0 pourront rouler à l’avenir au Mans avec les Hypercars. Amis lecteurs, croyez-moi que ce serait la meilleure chose même s’il faudrait équilibrer tout ce beau petit monde. Si les ‘LMPi’ (Pi pour Prototype international) parviennent à rouler en WEC et IMSA, on pourrait bien assister à un afflux de constructeurs comme on l’a en GT3. Là, vous pouvez inscrire votre nom au Mans sans débourser 50 millions d’euros. Pour schématiser, qu’est ce qu’une DPi ? Une LMP2 survitaminée avec un look différent d’une P2. Donc vous pourriez aussi accepter ces autos en ELMS et Asian Le Mans Series. Les gentlemen en LMP2 arrivent bien à se sortir de protos qui roulent dans les temps des anciennes LMP1.
L’attrait des 24 Heures du Mans est plus fort que tout marketing. Audi, Porsche, Ferrari et tous les autres viendraient, vous aussi. Reste à savoir s’il faudrait un châssis unique ou pas. Chaque marque pourrait alors avoir son propre moteur issu de sa gamme, un look identifiable. Si on prend toutes les marques qui montrent un intérêt plus ou moins prononcé pour Le Mans, on a fait le compte, on arrive à une vingtaine. Vous avez conscience de la chose ? Attention, toutes ne viendront pas. Avec tout cela, plus besoin de LMP2 (désolé). On peut même ranger au garage les GTE (même si certains de mes amis pilotes ne vont pas tarder à m’appeler pour me dire que je suis fou) et amener les GT3 au Mans.
Je vais même pousser mon raisonnement plus loin, au risque que vous me preniez une fois de plus pour un fou. Si vous avez beaucoup de marques en LMPi, vous pourriez même faire un championnat uniquement réservé aux prototypes. Vous avez un magnifique championnat mondial GT3 qui s’appelle Intercontinental GT Challenge. Vous réunissez le tout aux 24 Heures du Mans et le tour est joué. Certes, c’est facile à dire dans un simple article, mais avouez que ça aurait de la gueule, non ? Il faut arrêter de vouloir opposer SRO et ACO qui ne sont pas sur les mêmes créneaux. La compétition-client fonctionnera tant que les constructeurs y verront un intérêt financier.
A une époque où les choses évoluent vite, et pas toujours dans le bon sens, il faut justement avoir du bon sens. Même sans aller dans mon délire, on peut tout de même avoir des championnats LMP et GT très forts. Commençons déjà par avoir des dates différentes entre les championnats majeurs et au diable la F1 et la FE qui n’ont que faire de l’Endurance.
En attendant l’hydrogène, qui selon moi est bien mieux que l’électrique, profitons de voir de beaux plateaux en thermique. Alors, oui je peste quand je vois une Toyota coller 2 tours à une Rebellion et lors de la course suivante, voir la Rebellion mettre 1 tour à une Toyota car on a juste castré cette dernière. Pour moi, ce n’est pas du sport mais il faut préparer l’avenir et cela passe par une (énième) période de transition. Positivons ! L’hybride puis l’hydrogène plutôt que l’électrique, tout ça va dans le bon sens. En France, quand l’hiver est rude, le pays se voit contraint d’acheter de l’électricité à ses voisins européens pour éviter les coupures de courant.
En 1971, Renault proposait une R5 électrique qui avait une autonomie de 110 km contre 430 km au modèle thermique de l’époque. Avec ses 34 batteries au plomb allégé et un temps de recharge de 10 heures, le prix de la R5 électrique était de 18 000 francs (11 957 francs pour la R5 normale). Donc, en 48 ans, on est passé de 110 à environ 350 km (Renault ZOE) ? Désolé mais moi c’est la R5 Turbo que je kiff depuis que je suis gamin et ce même si son taux de CO2 est marqué ‘non communiqué’. Si je veux quelque chose de green, je sors mon Cannondale qui est justement…vert. Pas de bruit, pas de taxe, pas d’émission de CO2 et il faut pédaler pour avancer.
Je veux bien tout accepter mais pas à n’importe quel prix…