Mercredi 27 mai 2020 8h17. Le soleil brille, l’été arrive mais rien ne se passe comme prévu. A cette intersection (photo de Une), je devais tourner à droite pour prendre la direction du Mans pour plus de 15 jours avec un passage prévu en fin de semaine au Paul Ricard pour le GT World Challenge Europe. Finalement, à cette intersection, je vais tout droit pour une sortie en VTT.
Le vélo est synonyme de sport mais aussi source d’inspiration. Le confinement et l’entraînement sur home-trainer aura réussi une chose : battre mon record sur un parcours en VTT dès la première sortie, tout cela avec une facilité déconcertante, sans moteur caché ni le moindre produit illicite sauf de la musique dans les oreilles. Le ‘Back on Track’ depuis le début de semaine a été bénéfique. Cette sortie matinale du 27 mai m’a fait cogiter au lendemain d’un 26 mai un peu spécial. Il y a un an, ce même 27 mai à 4h du matin, j’écrivais un article que je ne pensais pas écrire de si tôt (article).
Il y a quatre mois jour jour jour, j’étais assis dans une tribune du Rod Laver Arena à Melbourne pour assister au match entre Gaël Monfils et Dominic Thiem parmi des milliers de spectateurs à l’Australian Open. Un mois plus tard, toujours jour pour jour, j’étais à Barcelone pour les essais F1. Quelques jours plus tard, c’étaient les essais officiels GT World Challenge Europe dans une ambiance bizarre avec le confinement qui se profilait. Peu de temps après, le sport s’est arrêté, le monde s’est arrêté, des gens sont morts et il a fallu rester chez soi.
On ne fait que du sport, on ne sauve pas des vies mais ce sport automobile est vital pour beaucoup, il fait vivre des milliers de personnes et rêver des milliers de gamins. Depuis deux mois, rien à se mettre sous la dent, pas une course, pas un déplacement, pas même une séance d’essais. Je n’avais jamais passé autant de temps à domicile depuis plus de 10 ans. Les très nombreux messages ‘stay at home’ dans tous les médias m’ont bien agacé car je ne pense pas avoir besoin de qui que ce soit pour me dire qu’il ne fallait pas sortir.
Malgré une période de confinement, il y avait des infos, des livrées, des équipages. Aussi étrange que cela puisse paraître, rien à se mettre sous la dent depuis le déconfinement. Il reste pourtant un tas de baquets à finaliser pour les 24 Heures du Mans de septembre et les équipes qui reprennent la piste petit à petit.
Le sim racing est le grand acteur de cette période sans sport. Au début, les pilotes ont joué contre les gamers et il n’y a pas eu de débat, les gamers prenant nettement le dessus, ce qui reste logique. Ensuite, on les a fait rouler séparément. Avec les 24 Heures du Mans Virtuelles, on va les faire rouler ensemble, ce qui est certainement la chose la plus logique.
A titre personnel, je ne suis pas joueur et on m’a collé l’étiquette anti-sim racing, ce qui n’est pas le cas. Inutile de revenir une énième fois sur le sujet mais le monde du réel est différent du virtuel. Le virtuel reste le virtuel, le réel reste le réel. Désolé, mais si un pilote professionnel, rompu aux courses d’endurance, habitué à rouler dans des conditions compliquées, a besoin d’un simulateur chez lui pour devenir un meilleur pilote, alors c’est que j’ai dû dormir trop longtemps. Travailler sur un simulateur pour le compte d’un constructeur, là oui. Ces pilotes de l’ombre, qui liment le bitume sur un simu, vous n’en voyez pas beaucoup sur les courses en ligne.
Le “Race at Home Challenge” de la Formula E n’a aucun sens quand on regarde les courses. Un “Game at Home Challenge” aurait été plus approprié. Est-ce que le sim racing sortira plus fort de cette période ? On verra… Kyle Larson a donné une bien mauvaise image, Bubba Wallace également, tout comme Simon Pagenaud et Lando Norris. Que dire de Daniel Abt champion du monde toutes catégories ? Dire après-coup que c’était une blague, que c’était pour montrer qu’un gamer était plus rapide qu’un pilote réel revient à dire à sa femme après une relation extra-conjugale ‘moi je ne voulais pas, c’est elle qui voulait’. Si ce qu’il dit est vrai, j’imagine la tête des gens de chez Audi une fois le subterfuge sorti. Pas sûr que l’effet aurait été meilleur.
Tout le monde y est allé de son message sur Twitter. Si je comprends bien, les pilotes aiment rouler pour garder le contact avec leurs fans et s’amuser, d’où un compte Twitch pour que ces mêmes fans puissent suivre ces mêmes pilotes avec une interaction entre les deux. On voit des pilotes qui, en guise de protestation, quittent Twitch et ne veulent plus rien partager sur un stream. En quoi les fans y sont pour quelque chose ? Daniel Abt a commis une connerie, alors à lui d’assumer. Le voir débarquer de chez Audi n’a rien de choquant pas même si par le passé la marque a joué avec le feu niveau légalité hors sport automobile et les fautifs ont eux aussi été virés. Ni vous ni moi ne connaissons la teneur du contrat de Daniel Abt.
On en est donc là ? Les courses virtuelles partaient d’un bon sentiment mais à plusieurs reprises, on a touché le fond et c’est loin de rendre service au sim racing. Quand je vous disais il y a quelques semaines que la prochaine étape serait de virer un pilote réel car il n’était pas assez rapide en virtuel, au rythme où on va, on finira par y arriver.
Sur tous ces jeux, il n’y a pas le moindre enjeu, rien à payer en cas de casse et personne ne risque sa vie. On parle bien d’un jeu, pas d’une course. Entre eux, les gamers sont en mode course.
Avec les 24 Heures du Mans Virtuelles, on est face à un nouveau concept avec des équipages mixant des pilotes et des gamers (ou que des pilotes). Là aussi, il n’y a rien à gagner sauf que dans ce cas la donne est différente. Quand je vois que les ingénieurs des équipes réelles participent, qu’il y aura un ostéo quasiment dans chaque équipe, que des temps de conduite seront à respecter, qu’il faudra faire de la stratégie, là on sort d’un jeu cucul la praline.
Personnellement, je reste sur mon idée que donner la priorité aux équipes des 24H aurait été plus judicieux mais je comprends aussi le concept global du show qui est à dissocier de la course réelle même s’il en reprend beaucoup de ses codes : le circuit, le mix protos/GT, le comité de sélection, Porsche qui communique sur le fait d’avoir 4 voitures sans tenir compte qu’il y a un comité de sélection, des temps de conduite, une météo changeante, une BOP, des déçus quand la liste est sortie, etc… Vous n’imaginez pas la déception de certaines équipes de rester sur le carreau…
Il y a 3 mois, dans le paddock F1 de Barcelone, si quelqu’un m’avait dit que Max Verstappen et Lando Norris participeraient aux 24 Heures du Mans Virtuelles dans la même LMP2 le week-end des 24H du Mans, j’aurais dit ‘arrête la drogue’. Pour beaucoup de pilotes de F1, partager un baquet va être nouveau même si ce n’est que du virtuel. Il faut voir ces 24 Heures du Mans Virtuelles comme un spectacle mettant en avant des acteurs du sport auto, des pilotes de F1 et le monde du sim racing. Pour la course, la vraie, il faut attendre septembre. Qu’on fasse aimer la discipline Endurance aux pilotes de F1 actuels, ce serait bien.
Une chose est sûre, j’ai découvert un nouvel univers en cherchant des infos sur les équipes de sim racing. Avant cela, Williams Esport, Zansho, Redline, Veloce ne représentaient rien du tout. Maintenant, je sais aussi qui est Greger Huttu. J’ai compris que pour beaucoup de gamers, les 24H du Mans étaient synonymes de graal. La liste des engagés n’est pas encore complète mais l’équipage Signatech-Alpine me plaît bien avec Thomas Laurent, André Negrao et Pierre Ragues, tous trois associés à Nicolas Longuet. Il y a trois ans, Thomas Laurent découvrait Le Mans à 19 ans avec un podium au général. Maintenant, c’est Nicolas Longuet qui va rouler, certes virtuellement, au Mans. Imaginez ce qui doit passer par la tête de ce jeune gamer, âgé d’à peine 18 ans, qui va troquer son jeu F1 Esports pour disputer Le Mans face aux vrais pilotes de F1. A 18 ans, Nicolas Longuet va apporter à l’équipage son expérience du sim racing et Pierre Ragues, 36 ans, va amener son expérience du Mans. Pour moi, il est là le petit truc en plus, elle est là l’histoire à raconter. Mon côté ‘sport auto’ va aussi suivre l’équipage United Autosports qui fait rouler Albuquerque, van Uitert, Gamble et Brundle, à savoir quatre pilotes réels. Faire venir Guillaume Moreau avec un équipage limousin, comme on a essayé de faire avec une équipe réelle, aurait eu de la gueule car là aussi il y avait de l’humain.
On avait tant à faire côté humain durant ce confinement de mars à mai avec de belles histoires à raconter, mais le sim racing a été privilégié avec quelques travers. Espérons que dans quelques années, on ne le regrette pas.
J’espère une chose, que ces 24 Heures du Mans Virtuelles de juin prochain ne seront qu’un one-shot, que les gamers seront débarrassés des pilotes réels qui eux retrouveront leurs baquets. Le 15 juin 2020, je veux qu’on me parle de LMDh, de 24H du Mans, de 24H de Spa, de GT3, de bagarres sur la piste. Qu’est-ce qu’on était bien à parler de BOP. Finalement, après tout ce qu’on vient de vivre, c’est vachement fun une BOP. Please, rendez-moi mon sport…