En passant de Black Falcon à Haupt Racing Team, Renaud Dufour est resté dans un environnement connu. La voiture, la Mercedes-AMG GT3, est restée la même, tout comme les championnats à disputer. En pleine période de confinement, Black Falcon a souhaité se recentrer sur ses programmes privés ce qui a permis à Hubert Haupt de créer sa propre structure en conservant le personnel Black Falcon. L’ingénieur français de la structure allemande a connu une seconde partie d’année bien chargée. Maro Engel et Luca Stolz se sont partagés le baquet de la Mercedes en GTWC Europe Sprint avec le renfort de Vincent Abril en Endurance.
Renaud Dufour a été l’un des rares ingénieurs à enchaîner en quelques semaines 24 Heures du Mans, 24 Heures du Nürburgring et Total 24 Heures de Spa. A quelques jours des 24 Heures de Dubai, le Français est revenu sur la saison écoulée, mais aussi sur les évolutions réglementaires vues en 2020 en GT World Challenge Europe Powered by AWS.
Haupt Racing Team a débuté par le championnat allemand sur la Nordschleife. Les 24 Heures du Nürburgring restent-elles une déception ?
“Nous avions tout ce qu’il fallait pour gagner car nous étions une des Mercedes-AMG GT3 les plus rapides. Malgré cela, je pense que l’Audi avait un avantage en BOP (balance of performance). Alors que nous étions en tête sous la pluie avec de mauvais pneus par rapport à la météo, il s’est produit une sortie de piste. Avec le recul, on aurait dû calmer le jeu. La deuxième Mercedes de l’équipe pouvait prétendre à un podium, mais elle a perdu du temps lors de chaque arrêt suite à un problème sur une roue. Le potentiel était clairement là, mais nous n’avons pas pu le confirmer en course.”
Et du côté GT World Challenge Europe Powered by AWS ?
“L’année a été compliquée d’un point de vue technique. Nous avons souffert des nouvelles gommes Pirelli. Au Paul Ricard, nous avons perdu 0.8s par rapport à l’année précédente. Nous sommes ensuite revenus dans le match, mais il y a eu trop d’erreurs sur la piste, trop de pénalités et de sorties. A Spa, le drive through a plombé la course, à Imola c’est le départ qui a causé des soucis et à Misano, le moteur a cassé sur les vibreurs. On corrige le tir à partir de Magny-Cours avec les deux victoires. Les deux dernières courses de la saison étaient meilleures, mais on manque toujours de vitesse sur certains circuits comme le Paul Ricard.”
Passer de Black Falcon à Haupt Racing Team était prévu ?
“Non, pas en début de saison. Tout s’est finalisé durant le confinement. Hubert a franchi le cap de créer sa propre équipe avec le même matériel et les mêmes personnes. Malheureusement, il n’a pas été possible de faire d’essais avant le début de saison alors que nos adversaires ont roulé en amont de la saison.”
On a vu quelques couacs réglementaires en GT World Challenge Europe. Quel est votre avis sur le sujet ?
“Je veux bien qu’on pénalise, mais je veux qu’on pénalise tout le monde de la même façon. Je ne juge pas le fait d’avoir des limites de la piste ou pas, je juge juste le fait que tout le monde soit pénalisé à égalité. Il faut se donner les moyens de contrôler toute la course de la même façon. Il y a eu une non cohérence des pénalités toute l’année.”
En 2020, le temps de ravitaillement en carburant était contrôlé. Une bonne idée ?
“En tout cas, l’idée n’est pas mauvaise. On voit depuis plusieurs années que les courses se jouent dans la dernière heure. Avec la connaissance des GT3, imposer une capacité de réservoir à tout le monde permettrait de lâcher du lest sur la longueur des relais. En agissant de la sorte, libre à chacun de sauver de l’essence ou d’accélérer. Les Total 24 Heures de Spa se jouent régulièrement dans le dernier relais, mais il faut de la chance.”
C’est-à-dire ?
“L’équipe choisit une solution, mais elle ne sait pas si cela va fonctionner ou pas. On l’a encore vu en Intercontinental GT Challenge à Kyalami entre la Honda qui s’arrête, l’Audi et la BMW qui font différemment. Selon moi, libéraliser les 65 minutes sur des courses de 24 heures irait dans le bon sens sachant que le temps pour ravitailler est imposé.”
La stratégie est de moins en moins présente ?
“Avec le temps, il n’est plus possible d’être plus malin que son voisin car il n’y a pas une solution, mais plusieurs. C’est un coup de chance. A Spa, en 2019, nous avons dû attendre 10 secondes de plus devant le stand pour respecter les 65 minutes.”
On voit à Bathurst que tout est libre et ça fonctionne bien…
“Oui, mais on note aussi une différence. A Bathurst, on entend l’échange entre la direction de course et la voiture de sécurité. Le canal radio est libre, ce qui rend les choses bien plus faciles à suivre. Si on prend l’exemple de Spa, on ne sait pas ce qui va se passer. Quand on change les freins, on repart derrière la Porsche de Tandy. Elle a le feu vert et, quand on veut sortir, le feu est rouge et on perd un tour. Pour en revenir à Bathurst, les équipes savent ce qui se passe et ce qui va se passer, mais aussi quelle auto va récupérer la voiture de sécurité. C’est clair et facile à suivre.”
Vous serez d’accord pour dire que suivre une course, peu importe le championnat, devient de plus en plus un casse-tête…
“C’est tellement dur à suivre qu’on se fait juger par les constructeurs et pas toujours comme il faut car la course est tellement compliquée à suivre si on est pas impliqué dedans à 100%. Je ne jette pas la pierre aux organisateurs car ce serait trop facile. Il faudrait juste quelque chose de plus simple et ôter les 65 minutes. Le système en place aux Etats-Unis avec le système de ‘wave-by’ (dépassement de la voiture de sécurité autorisé dans certaines conditions, ndlr). Si on reprend le cas de Bathurst, c’est encore plus ouvert car même le refueling est libre.”
La situation sanitaire a compliqué les choses ?
“On ne peut pas dire que la saison a été un long fleuve tranquille. En septembre, je suis rentré trois jours chez moi. La situation a pesé sur les équipes et cela ne doit pas se reproduire chaque année. C’était très bien pour cette année car cela a permis que les championnats puissent avoir lieu. On est passé entre les gouttes. Il y avait toujours cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. A Spa, toute notre équipe était négative, mais une personne de l’équipe a eu un temps d’incubation plus long que les autres et il s’est retrouvé positif après la course. Je l’ai eu à mes côtés toute la semaine, mais personne n’a été positif. Dès le début, l’équipe a utilisé les masques FFP2 et je pense que c’était le bon choix. Une chose est sûre, le paddock et les organisateurs ont joué le jeu.”
Quel sera le programme de Haupt Racing Team en 2021 ?
“Tout n’est pas encore finalisé, mais il faut s’attendre à un copier-coller de 2020 avec Nürburgring Endurance Series et GT World Challenge Europe Powered by AWS. Il y a aussi l’option DTM, mais rien n’est finalisé sur le sujet.”