Richard Dean est actuellement comme ses collègues : dans l’expectative ! Le monde est au ralenti, voire à l’arrêt presque complet, et l’Endurance n’y échappe pas. Le (co)patron de United Autosports, qui engage cinq autos en Europe (deux en ELMS, trois en Michelin Le Mans Cup), a fait le point avec Sportscar365 sur la situation actuelle liée au Covid-19, sur les nouveaux bâtiments de l’équipe et sur les deux tickets décrochés aux 24 Heures du Mans…
Tout d’abord, comment avez-vous géré l’annulation des 1000 Miles de Sebring ?
« Nous étions déjà sur place avec 20 personnes en train de décharger le container et de nous préparer pour les essais du samedi et du dimanche. Ils avaient pris l’avion le jeudi et étaient là-bas le vendredi. Ils sont revenus pendant le week-end pour être de retour au bureau aujourd’hui (mardi). Nous avons récupéré tous nos gars. Au bureau, j’étais au téléphone sans arrêt du jeudi au dimanche. J’ai même été mis en attente pendant quatre heures, je crois, avec une des compagnies aériennes pour changer de vol. Personne n’est préparé à cela, y compris ces dernières. »
Comment les événements actuels liés au Coronavirus ont-ils affecté l’équipe United Autosports ?
« C’est la même chose pour tout le monde, dans tous les secteurs d’activité. Quand il faudra que ça reprenne, le monde devra redémarrer, mais il faut espérer que les gens ne considéreront pas la course automobile comme un passe-temps ni comme une activité non essentielle, surtout quand on voit le nombre d’emplois qui en dépendent. Rien que pour notre petite entreprise, nous avons 36 personnes à plein temps. Il en va de même pour les sous-traitants qui dépendent de nos revenus comme source principale. C’est juste que l’effet que cela peut avoir sur nous est potentiellement catastrophique. Le fait que nous ne fassions pas de courses pose un problème évident parce que nous sommes une équipe de course et que nous devons générer nos revenus par la compétition. Et là, sans course, pas de revenus. Nous avons beaucoup de travail à faire et nous pouvons être mieux préparés avec les nombreux emplois et projets que nous avons en tête. Notre calendrier de course habituel implique que les compétitions peuvent parfois nous empêcher d’y arriver et nous devons alors donner la priorité à certaines choses alors que d’autres sont reléguées au bas de la liste. Nous devons cependant faire attention à la manière dont nous nous y prenons. Si ces projets impliquent d’énormes sommes d’argent et que vous n’en recevez pas, alors nous devons être prudents. Nous sommes probablement en meilleure position que la plupart des autres équipes même si nous venons d’emménager dans un tout nouveau bâtiment et que nos frais généraux ont été multipliés par quatre. En soi, ce n’est pas un bon timing, mais nous avons des activités dans différents aspects du sport automobile, y compris des projets de restauration. Il n’est pas nécessaire que ces derniers s’arrêtent. Ce sont des temps difficiles. »
Quand vous mentionnez 36 personnes à plein temps, vous appuyez vous aussi sur du personnel freelance (indépendants) ?
« Oui, nous avons le même nombre de personnes en freelance, si ce n’est un peu plus. Des ingénieurs de course, des mécaniciens, des chauffeurs de camion, les gens du marketing, les médias, l’hospitalité, les traiteurs… Certains d’entre eux ont des contrats avec nous qui vont de 30 à 130 jours par an. Ils dépendent donc de nous. Certains d’entre eux ne dépendent pas que de nous, mais pour certains, la majorité de leurs revenus vient de United. »
Comment gérez-vous la situation avec les clients que vous faites courir ?
« Nous sommes sur un nouveau ‘terrain’ et il est difficile d’attendre à ce que quelqu’un paie pour quelque chose qu’il n’obtient pas, que ce soit un sponsor ou un pilote. Cependant, vous générez vos revenus de la course automobile et, là, nous ne fournissons pas ce service. Mais tout le monde est dans la même situation. Nous avons de bonnes relations avec tous nos sponsors et nos pilotes, je pense que tout le monde essaie d’aider tout le monde. Mais le fait est que nous ne savons pas ce qui va se passer, ni combien de temps cela va durer. »
Quel impact cela pourrait-il avoir sur votre préparation pour les 24 Heures du Mans ?
« Nous avons eu une réunion ce matin avec tous les responsables des différents services. Nous avons mis en place un plan. Notre prochaine course aura lieu au Mans en juin et notre prochaine en ELMS se déroulera au Paul Ricard en juillet. De quoi avons-nous besoin pour nous préparer à ces épreuves, comment gérer la planification de la charge de travail et les engagements financiers. Tout le monde y travaille actuellement. D’une certaine manière, on peut dire que nous allons être mieux préparés et plus forts cette année. Nous allons faire toutes les choses que nous avons eu du mal à faire par l passé, mais c’est difficile quand on considère les engagements financiers qu’implique la préparation d’une course comme Le Mans, ainsi que les délais nécessaires pour commander des pièces de rechange et d’autres choses. Le second impact est que, même si vous vouliez commander des pièces détachées pour les deux courses de l’ELMS et pour Le Mans, Ligier et ORECA sont dans une situation très difficile en ce moment en France. D’après ce que j’ai entendu, ils vont bientôt fermer des usines et des entreprises françaises. N’oubliez pas que la plus grande partie de la fibre de carbone du monde provient d’Italie, je sais donc qu’ils ont déjà des problèmes d’approvisionnement. Certaines des décisions que nous prenons ne sont donc pas nécessairement entre nos mains. »
Qu’en est-il des deux engagements aux 24 Heures du Mans ?
« Je ne savais vraiment pas que nous allions avoir nos deux engagements acceptés avant que cela ne soit annoncé. Comme vous pouvez l’imaginer, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour obtenir ces deux tickets, y compris en suggérant que nous serions d’accord pour occuper les deux stands temporaires ou tout autre chose qu’ils pourraient vouloir que nous fassions, mais il n’y a jamais eu de réponse ou de commentaire à ce sujet. Il n’y a donc jamais eu de condition posée, aucun marché n’a été conclu, aucun accord trouvé. Je ne sais pas si nous allons être dans les deux garages temporaires ou non. Je pense qu’il est probablement logique que nous y soyons, étant donné que nous sommes les seuls à y avoir séjourné et que nous savons comment cela fonctionne après une année d’expérience. Cependant, je n’en sais rien. Nous avons deux voitures parce que nous en avions une garantie pour le WEC et tous les autres en ont une au mérite. »
Cela vous donne plus de temps pour faire d’autres choses…
« Nous avons toujours des projets que nous voulons mener à bien, mais le calendrier chargé nous oblige à donner la priorité à divers projets et les autres sont mis en attente. Nous pouvons tous les revoir. Nous avons emménagé dans nos nouveaux locaux. Nous pouvons faire remettre à neuf nos camions, nos équipements, nos systèmes… Nous pouvons faire tout cela. Mais nous avons un écart de 10 semaines entre maintenant et la prochaine course. Tant que ce n’est pas plus de 10 semaines, nous avons certainement assez de travail. Tant que ces projets ne nécessiteront pas un engagement financier important, nous aurons le courage de les mener à bien. »
Quand avez-vous commencé à emménager ?
« Le bâtiment a été un projet de 14 mois et nous avons emménagé en novembre. Nous y avons investi beaucoup de temps et d’argent. Nous avons passé 14 mois à l’aménager : ce n’était qu’un bâtiment vide de 5 759 mètres carrés, c’est très grand. Nous en sommes assez satisfaits. »
Et toutes vos activités sont sous le même toit…
« Toutes, oui. Nous avons quelque chose comme 48 espaces individuels pour des voitures de course, ils sont répartis en trois divisions distinctes. »