La traditionnelle conférence de presse donnée par l’ACO il y a une semaine était encore plus attendue que les années passées avec des précisions sur le règlement LMDh, le calendrier WEC 2021 et la voiture de Mission H24. A l’issue de cette présentation, Richard Mille, le président de la Commission Endurance de la FIA, a bien voulu répondre aux questions d’Endurance-Info…
La confirmation du règlement LMDh, la confirmation du nom de Le Mans Hypercar et l’annonce de Peugeot qui arrive en Le Mans Hypercar doivent vous ravir…
« Oui, cela a été assez sportif, je dois bien avouer, pour développer cela et convaincre tout le monde. Ce qui était le plus important c’était de travailler sur les budgets et c’est ce que nous avons fait ligne par ligne. Il y a un peu plus d’un an, tout le monde disait que les budgets n’étaient pas réalistes, que cela ne pouvait pas être aussi compétitif car on arrivait de quelque chose avec plusieurs centaines de millions d’euros. Maintenant, tout le monde a validé les budgets, plus personne n’en parle. Je pense que dans des périodes de crise comme celle que nous vivons actuellement, avoir la perspective de disputer un championnat du monde, de faire et d’avoir la possibilité de gagner les 24 Heures du Mans le tout avec des budgets extrêmement raisonnables, avec des voitures qui sont proches du public est un très bonne chose. Nous n’oublions pas que l’objectif est d’amener des jeunes générations et c’est pour cela que nous avons gardé ce nom de Le Mans Hypercar. LMh, LMDh, pour tous ces jeunes, cela ne veut rien dire tandis que Le Mans Hypercar est plus parlant. Faire venir toute cette jeune génération à l’Endurance est donc notre but tout comme amener en Endurance des constructeurs qui sont des performeurs, des éléments majeurs de la course automobile, mais aussi des acteurs importants dans l’industrie automobile.
Après les balbutiements du départ, on voit que les choses se sont nettement éclaircies. L’accord ACO / IMSA a été l’élément déterminant et, aujourd’hui, on voit tous les grands acteurs du sport automobile qui sont clairement en train de se poser des questions et qui sont très tentés de venir en Endurance. D’abord parce qu’il y a le « cost cap » (plafonnement des coûts, ndlr) en Formule 1 qui va faire que beaucoup d’écuries, dont certaines de pointe, qui gagnent de l’argent ne vont pas pouvoir se séparer de collaborateurs. Donc l’idée pour eux de venir en Hypercar est une excellente perspective avec, comme je l’ai dit, des budgets très compétitifs et un vrai championnat du monde. Pour beaucoup de ces marques, Le Mans est la Légende et, même pour certaines, elles sont entrées dans la légende par Le Mans encore plus que par la Formule 1 si vous voyez de qui je veux parler ! Les choses, qui ont été très compliquées à mettre en place, aujourd’hui se forment et on voit que cela crée beaucoup d’enthousiasme, nous sommes donc très satisfaits. »
Justement au niveau des constructeurs, ya-t-il des signes positifs pour l’avenir ?
« Oui, tout à fait ! Ils bossent très très sérieusement dessus, regardent cela non seulement avec beaucoup d’intérêt, mais aussi détermination. »
On imagine aussi que, par les temps qui courent, présenter un calendrier 2021 avec six courses sur trois continents vous satisfait…
« Franchement, je pense que nous arriverons à tenir. Il y aura peut être un ou deux accidents de parcours sur certains pays qui seront plus problématiques que d’autres. Cependant, globalement, cela tient la route. Ensuite, je trouve que ce calendrier n’est pas trop chargé, qu’il est bien équilibré. Géographiquement, il est aussi très homogène. Cela va permettre d’être très incitatif. On verra ensuite au fur et à mesure des années pour rajouter des épreuves parce qu’il y a tellement de circuits au monde qui peuvent être intéressants pour l’Endurance qu’il y aura des choix à venir, mais déjà avec ce format de calendrier 2021 nous sommes très heureux. »
Pendant la conférence de presse, on vous a vu intervenir et insister sur la partie Hydrogène via le projet H24. Ce projet vous tient à coeur ?
« Tout le monde sait que ce l’hydrogène sera vraisemblablement la solution de demain. Je pense que nul n’est mieux placé que la course automobile pour intégrer des tas de paramètres d’abord de performance, bien sûr, mais aussi de consommation et de sécurité. Quand on voit les premières voitures à hydrogène qui roulent, je trouve cela déjà très encourageant. »
Vous êtes aussi impliqué en European Le Mans Series et aux 24 Heures du Mans à travers Richard Mille Racing. Pourquoi ce projet avec les filles ?
« Nous sommes vraiment ravis de ce projet. Tout d’abord, en tant que Président de la Commission Endurance de la FIA, il était important que l’on accélère cet accès aux femmes y compris en amont avec les filières. Je dois dire que Michèle Mouton a fait un boulot sensationnel. En même temps, je trouvais qu’il était important de montrer l’exemple. Le dire c’est bien, le faire c’est mieux ! Paradoxalement, tous les gens qui étaient réticents, qui me disaient que c’était anecdotique, voient aujourd’hui que sur un plan très concret, nous avons énormément de retombées internationales. Pour en citer quelques-unes, nous avons eu le Financial Times, le New York Times, tout comme en Asie où on commence à avoir pas mal de très bons résultats. Donc sur un plan marketing, nous avons un retour qui est très intéressant, et au delà de cela, il y a un message très fort qui est de dire que l’on peut très bien imaginer dans quelques années avoir plusieurs équipages féminins en Endurance.
Nous avons ici aux 24 Heures du Mans trois bonnes pilotes (Tatiana Calderon, Sophia Flörsch, Beitske Visser, ORECA 07 #50 LMP2, ndlr), mais qui sont des rookies. Elles appréhendaient la pluie par exemple, Tatiana Calderon n’a jamais roulé dans ces conditions. Elles sont donc très valeureuses, elles se rendent compte qu’il y a une progression à obtenir, mais on a vu au Castellet et à Spa qu’elles s’étaient extrêmement bien comportées en roulant vite. Je pense que c’est très prometteur. Il n’y a aucune raison de penser que les femmes ne sont pas capables de tenir la dragée haute aux hommes en course automobile. On le voit par exemple en équitation avec des épreuves qui sont complètement mixtes et des femmes qui sont championnes du monde devant des hommes sans que cela ne pose de problème. C’est de cette façon que les choses doivent évoluer. Avant, au Mans, il y avait la Coupe des Dames et je pense que, de nos jours, les femmes ont autant de possibilités de s’exprimer que leurs homologues masculins. En plus, elles ont des qualités majeures qui sont la résilience, la résistance et la gestion même de la mécanique. Pour nous, c’est une ouverture qui est formidable parce que nous avons parlé pendant notre entretien d’hydrogène, des jeunes et bien, le sport automobile doit continuer de s’ouvrir s’il veut survivre et se développer. On doit vraiment nettoyer devant notre porte, être absolument exemplaire à tous points de vue dans la consommation, la gestion des pneus. Je n’arrête pas de le dire : ces montagnes de pneumatiques pour faire une course, c’est presque devenu aujourd’hui quelque chose d’inexplicable. C’est très difficile de justifier auprès du public une telle consommation de gommes. Je le répète : nous devons montrer l’exemple, que nous vivons en 2020 et que l’on est capable de gérer tous ces problèmes ! »
Au final, l’ORECA 07 #50 de Richard Mille Racing a terminé 13e au général, 9e de la catégorie LMP2. Les filles ont rendu une copie parfaite sans le moindre souci pour leurs premières 24 Heures du Mans. Chapeau !