Dire que Romain Dumas est un homme pressé est tout sauf usurpé. Le programme Pikes Peak avec Volkswagen Motorsport accapare une bonne partie de son temps mais l’homme reste à l’écoute de tout le sport automobile en général. Véritable touche-à-tout, le double vainqueur des 24 Heures du Mans et des 24 Heures de Spa, quadruple vainqueur des 24 Heures du Nürburgring, Champion du Monde d’Endurance de la FIA, prépare activement son retour au Colorado au volant d’un prototype entièrement électrique conçu pour l’occasion.
Pikes Peak, c’est un départ à 2900 mètres pour une arrivée à 4300 mètres. La montée, longue de 19.99 km, permet d’atteindre 240 km/h. L’objectif sera de battre le record d’une voiture électrique qui est de 8.57.118 mn.
Le défi Pikes Peak est déjà assez compliqué à appréhender, si bien que rajouter le fait de rouler en électrique à haute altitude ajoute une grosse dose d’incertitude. “Bien avant la Formula E, plusieurs constructeurs sont venus à Pikes Peak avec une auto électrique,” nous a déclaré Romain Dumas. “On peut citer Toyota, Suzuki ou Hyundai. Rouler à Pikes Peak n’a rien d’une promenade de santé. Débuter l’épreuve par 20°C pour terminer à 0°C est un vrai casse-tête. Il faut des pneus qui fonctionnent bien et des freins qui tiennent le choc. Avec une auto thermique, le souci reste la gestion de l’altitude. L’électrique demande un vrai travail d’une équipe usine. Il faut voir comment on peut utiliser la batterie. On ne peut pas simuler Pikes Peak. La réalité sur le terrain peut donner un résultat totalement à l’opposé des prévisions. Dans le meilleur des mondes, il faudrait louer la route mais le souci est qu’il y a encore de la neige peu de temps avant l’épreuve. Lors des essais officiels, on ne peut rouler que sur des tronçons. Chaque année, nous sommes partis sans savoir si la température d’eau et le moteur allaient fonctionner correctement.”
Les caractéristiques de la Volkswagen I.D. R Pikes Peak sont sans équivoque : puissance de 500 kW (680 chevaux), couple de 650 Nm, poids inférieur à 1100 kg, 0 à 100 km/h en 2.25s (mieux qu’une F1 et une Fe). Volkswagen Motorsport est parti du châssis de la Norma 2017 pour concevoir son prototype même s’il ne reste que 15% du châssis français (coque, pédalier, direction assistée, poids d’ancrage des amortisseurs).
“Ce qui fait le plus peur à Pikes Peak, c’est la pièce qui casse”, souligne le Français. “Si un pilote commet une erreur, il n’y a pas de rail comme en circuit. Pourtant, je n’aime pas du tout vivre dangereusement. J’ai maintenant près de 40 courses de 24 heures à mon actif et je n’ai pas le goût du risque. Je réfléchis toujours le plus possible. C’est la passion qui me pousse. Je n’ai pas le moindre regret de ne pas être allé en Formule 1. J’ai pu faire un tas de choses à côté. Le côté technique m’excite sachant que ma structure est impliquée dans le programme Pikes Peak. En LMP1, tu fais une auto qui doit avoir des compromis. Là, tu fais une auto pour toi et seulement pour toi. Cela peut te servir ou te desservir, mais 80% du temps c’est un avantage.”
Le programme Pikes Peak 2018 est venu directement de Volkswagen Motorsport sur une idée de François-Xavier Demaison et Sven Smeets. “Ils viennent tous les deux du rallye, donc ils ne peuvent qu’aimer l’aventure Pikes Peak” sourit Romain Dumas.
Le nom de ‘course vers les nuages’ n’est absolument pas galvaudé. “A Pikes Peak, tout le monde est stressé”, souligne l’Alésien. “En 2015, un motard s’est tué avant notre passage. Durant plus de deux heures, plus personne n’osait parler dans l’équipe. Il y avait comme une chape de plomb. Tout repose sur une seule montée. C’est un peu comme aux 24 Heures du Mans 2010 où tu espères que le temps va passer plus vite. Pikes Peak, c’est un peu comme quand tu pars passer le baccalauréat (rires).”
Les prochaines semaines de Romain Dumas s’annoncent pour le moins animées :
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- Rallye en Espagne
- Trois jours d’essais à Pikes Peak
- Blancpain GT Series Endurance au Paul Ricard
- Avion durant la nuit vers Le Mans
- Journée Test des 24 Heures du Mans avec Porsche
- Une journée à Alès
- Trois nouvelles journées d’essais à Pikes Peak
- Avion vers Le Mans pour les vérifications
- Semaine des 24 Heures du Mans
- Dès le lendemain des 24 Heures, direction Pikes Peak pour la course
- Watkins Glen (IMSA)
- Journée Test des Total 24 Heures de Spa avec le Manthey Racing
- Le Mans Classic
- Festival of Speed de Goodwood
Tout ça de fin mai à mi juillet…
Romain Dumas peut compter sur une poignée de fidèles sur sa base d’Alès : “Dans mon équipe, je suis le créateur d’évènements. Il faut préparer la scène et la débarrasser. On ne peut pas y arriver sans être un groupe. J’ai la chance de pouvoir compter sur des vrais fidèles en qui j’ai une confiance totale. J’ai un nouveau bâtiment à Alès sans savoir ce que je vais y mettre. Il va y avoir quelque chose, c’est une certitude…”