Absent des courses d’endurance depuis le terrible accident des 24 Heures du Mans 1955, Mercedes signait son retour dans la discipline en 1988 en partenariat avec Sauber. « Nous n’avons jamais été opposés aux sports mécaniques mais nous étions incapables, à cause du manque de capacité de l’usine, de le faire bien », déclarait à l’époque Gérard Herle, en charge de la branche compétition. « Ce problème existe toujours aujourd’hui et l’étude que nous menons tient compte de cet état de fait. Il n’est pas question de retirer de la production nos meilleurs ingénieurs et techniciens pour les placer en compétition. C’est une politique qui a toujours été refusée par notre maison. »
Pour son retour dans la Sarthe, le Team Sauber Mercedes alignait deux C9 à moteur turbo. La #61 était confiée à Mauro Baldi, James Weaver et Jochen Mass, la #62 à Klaus Niedzwiedz et Kenny Acheson. Dany Snobeck, préparateur et pilote bien connu, a bien aidé à relancer la compétition chez Mercedes, comme l’expliquait Gérard Herle : « Snobeck nous a appelé pour le soutenir lorsqu’il démarra avec notre voiture (la 190 16S, ndlr). Pas question de donner suite mais nous avons transmis le dossier à notre filiale française qui lui a donné un coup de main. La réussite de ce garçon fut totale. Ses résultats, comme ceux de Sauber, nous ont fait réfléchir. Et puis, on a fini par entrer dans le jeu. » Deux antennes ont donc été mises sur pied avec le Groupe A pour Dany Snobeck à Magny-Cours et le Groupe C pour Peter Sauber en Suisse à Hinwill.
« Le Championnat du Monde d’Endurance est pour nous un challenge particulièrement intéressant à cause de sa réglementation basée sur la consommation », déclarait Herle. « Elle nous permet de travailler sur des concepts adaptables à la série, une activité que nos ingénieurs mènent quotidiennement. Théoriquement, il nous faudrait créer un département à part. Notre direction prendra une décision en fin d’année. Pour nous, Le Mans est une course comme une autre. La compétition la plus connue du monde, la plus difficile sans doute. Mais, on n’arrive pas comme cela au Mans avec des ambitions de victoire. Pour nous, cet affrontement au sommet contre Porsche et Jaguar arrive un ou deux ans trop tôt. »
Deux ingénieurs de Mercedes et leurs collaborateurs étaient attachés au service de Sauber en dehors des circuits.
Avant d’arriver aux 24 Heures du Mans, les Sauber Mercedes s’étaient élancées à quatre reprises depuis la première ligne des quatre manches du championnat précédant la classique mancelle. Le Mans 1987 n’avait guère souri aux Sauber alignées par le Kouros Racing. En juin 1988, Sauber Mercedes a mis les moyens : un tout nouveau système de télémétrie, un diamètre des roues plus grand (17 pouces), des disques de freins plus importants, des transmissions renforcées, une puissance revue à la hausse (+30 cv), une injection électronique revue et corrigée.
« L’an passé, nous travaillions déjà en étroite collaboration avec les Allemands » confiait Max Welti, team-manager de l’équipe. « Ils mettaient à notre disposition leur soufflerie, leurs bureaux d’études. Mais ça nous coûtait une fortune. Aujourd’hui, tout est changé. Lorsque nous avons besoin de moteurs, nous leur commandons et ils nous les fabriquent sur le champ. »Le retour de Mercedes au Mans s’est arrêté avant le départ puisque les deux C9 ont été retirées durant les essais qualificatifs. Le pneu arrière gauche de la #62 de Klaus Niedzwiedz éclatait le mercredi soir peu avant 22 heures. Sauber Mercedes a indiqué à la direction de course le forfait des deux C9. « Je regrette ce forfait », commentait Max Welti. « Sur la ligne droite, il se passe des choses que nous ne pouvons pas expliquer. Nous n’avons pas réussi à trouver pourquoi ce pneu a explosé. Cela ne remet absolument pas en cause des participations futures aux 24 Heures du Mans. »
Jean-Louis Schlesser, qui n’avait pas souhaité participer à une épreuve qu’il jugeait trop dangereuse, confiait : « Les suspensions sont soumises à haute vitesse à un travail que les pneus ne supportent pas. Malgré tous les travaux entrepris, les voitures ne sont plus adaptées au circuit du Mans. »
Michelin, partenaire pneumatique de Sauber Mercedes, avait du mal à expliquer ce forfait, comme le déclarait Guillaume Guillomond : « Il s’agit d’une décision surprenante et nous ne la comprenons pas. Pour nous, la qualité de notre produit n’est pas mise en cause. Nous avons décortiqué ce pneu et rien ne permet de dire qu’il s’agit d’un éclatement dû à sa mauvaise qualité. Pour notre part, nous pensons que la voiture a roulé dans les débris de la Cougar accidentée peu de temps avant. »
Les Sauber Mercedes étaient équipées d’un pneu moins large et plus haut de 36x72x19 au lieu du 34x73x19 utilisé un an plus tôt. Michelin a bien proposé de fournir les anciens pneumatiques, mais en vain…