Ce Championnat du Monde d’Endurance, tout le monde en rêvait. Il aura fallu attendre le 17 mars 2012 pour en voir la couleur au XXIe siècle. Il y a 9 ans, le WEC disputait son premier meeting dans le cadre des 12 Heures de Sebring un an après la victoire de la Peugeot 908 alignée par ORECA.
Tout avait pourtant failli capoter le 18 janvier de cette même année suite au retrait précipité de Peugeot alors que la marque française avait oeuvré pour la mise en place du WEC. Toyota n’étant pas prêt, Audi était le seul constructeur de premier plan en piste.
Trente autos (9 LMP1, 9 LMP2, 5 GTE-Pro, 7 GTE-Am) étaient inscrites pour ce premier rendez-vous auxquelles il faut rajouter les autos de l’American Le Mans Series, ce qui portait le total à 64. Beaucoup pensaient qu’avoir plus de 60 autos sur le Sebring International Raceway était ‘too much’, trop dangereux. 2012 marquait en plus le 60e anniversaire de l’épreuve floridienne. Six catégories étaient en piste : LMP1, LMP2, PC, GT, GTE-Am, GTC.
Endurance-Info ne pouvait pas manquer l’événement. On ne va pas se mentir, tout le monde était tout feu tout flamme, nous y compris. On savait tous qu’on allait assister à quelque chose qui allait marquer l’Endurance. Pour les plus jeunes qui n’ont pas connu l’ancien World Endurance Championship, ce WEC 2012 à Sebring était aussi l’occasion de dire ‘j’y étais’. Le WEC prenait la place de l’ILMC avec de grandes ambitions.
Jeff Hazel, manager de Krohn Racing qui faisait rouler une Ferrari 458 Italia, se réjouissait de cette nouvelle aventure sportive : “Le WEC 2012 est une étape très importante par rapport à l’ILMC ; la reconnaissance du potentiel du WEC a suscité beaucoup d’engagements et j’espère que ceux-ci seront récompensés dans les années à venir. Il y a, naturellement, une plus grande variété de matériel et de technologie dans le plateau du WEC que dans n’importe quelle autre discipline sportive automobile. Le WEC est le terrain parfait pour le développement de nouvelles technologies dont les courses d’endurance accélèreront le transfert vers les voitures de série.”
Le sentiment était le même chez Jean-Philippe Belloc, pilote d’une des deux CorvetteC6.R/Larbre Compétition : “Ce Championnat du Monde d’Endurance s’annonce magique. C’est un grand honneur que de rouler dans un tel championnat. Le niveau est très relevé et la cohabitation risque d’être compliquée, notamment ici à Sebring avec plus de 60 autos en piste. En même temps c’est un peu la même chose sur la route. C’est aussi ce qui fait le charme de l’Endurance. Pour dépasser il faut être deux et il faudra regarder aussi souvent devant que derrière. Il faut s’attendre à pas mal de neutralisations. Débuter le WEC par Sebring va de suite donner le ton. C’est à la hauteur de nos espérances et tout est au niveau d’un label mondial FIA. Le calendrier est très beau, même si la deuxième partie de saison s’annonce compliquée sur le plan logistique.” Spa, Le Mans, Silverstone, Interlagos, Bahrain, Fuji et Shanghai allaient suivre la Floride.
En arrivant à Sebring, tout le monde n’était pas prêt, et pour beaucoup, c’était le premier déplacement hors des frontières européennes, qui plus est sous des tentes à l’américaine. Le promoteur avait été contraint de remanier son règlement suite au départ de Peugeot pour ne retenir que les six meilleurs résultats des huit courses prévues au championnat.
Alors que Toyota bouclait un test de 30 heures au Paul Ricard, la caravane WEC était à Sebring. Henri Pescarolo ne pouvait pas compter sur sa Pescarolo 03, qui n’était pas prête. Henri faisait donc confiance à la 01 de 2011, toujours équipée de son moteur Judd 5 litres et non le 3,4 litres du nouveau règlement. Il fallait pour cela l’accord de la FIA et des autres équipes LMP1. La 01 de Collard/Boullion/Jousse embarquait 15 kg de plus.
Il y avait un tas de monde à aller voir à Sebring et tous étaient ravis d’être là. A cette époque, nous étions encore dans le monde d’avant. On pouvait passer d’une tente à l’autre sans le moindre problème pour discuter le bout de gras. Les Etats-Unis et l’ouverture…
Le 18 janvier 2012, Stéphane Sarrazin était sans emploi et trois mois plus tard, l’Alésien montera sur la troisième marche du podium au volant d’une HPD ARX-03b LMP2. On se souvient encore que Starworks Motorsport n’avait pas la moindre pièce de rechange, que Gulf Racing Middle East était plus que short en timing avec la confirmation de la présence de Jean-Denis Deletraz quelques jours seulement avant la course. C’était aussi l’occasion de présenter l’association Pescarolo/Luxury qui ne restera pas dans les annales. Nous avions passé un long moment avec Henri dans le camion à discuter de cette collaboration qui, avec le recul, a fait bien plus de mal que de bien à son équipe. Audi faisait rouler pour la dernière fois sa R18 TDI avant de passer à la R18 e-tron quattro et Michelin annonçait son partenariat avec DeltaWing. C’est aussi à Sebring que Jordan Tresson gamer de la Nissan GT Academy, débutait en LMP2.
L’histoire retiendra que la toute première séance d’essais du WEC est revenu à Romain Dumas sur l’Audi R18 TDI #3 avec un chrono de 1:48.626. “Je m’attends à une course compliquée et délicate”, nous confiait le pilote Audi à l’issue des essais. “Lorsque je roulais ici en 2008, c’était de l’Endurance, et maintenant c’est à la limite de la survie. Il y a deux options : soit tu roules « safe » et tout se joue à la fin, ou alors tu te mets de suite en avant et tu ne sais pas combien de temps cela peut durer.”
Romain ne croyait pas si bien dire car dès les essais de nuit, la Porsche/JWA-Avila touchait une PC. Bloquée sur la piste, la Porsche était heurtée par la Lola/Rebellion de Nick Heidfeld, elle-même touchée par l’Audi de Duval, qui elle était harponnée par l’Audi de Fässler. Un vrai mic-mac.
La pole revenait à André Lotterer (Audi) et Olivier Pla en LMP2 (Morgan). Avec plus de 60 autos en piste, on nous prédisait le massacre sur la piste. Finalement, on ne comptait qu’une seule neutralisation durant les deux premières heures suite à l’arrêt sur la piste de la Ferrari de Rui Aguas.
Une fois le départ lancé, quelques médias étaient conviés à une table ronde autour de Jean Todt. Le président de la FIA avait choisi Sebring et non Melbourne pour l’ouverture de la F1.
Jean Todt tenait à saluer les débuts du WEC : “Ce championnat était nécessaire à la famille de la FIA. Dès mon entrée en fonction à la présidence de la FIA en octobre 2009, je me suis mis en relation avec les personnes de l’ACO afin de voir ce que l’on pouvait faire ensemble. Ce championnat se doit de faire partie des meilleurs de la FIA. J’avais trois possibilités ce week-end : regarder la Formule 1 tranquillement chez moi, me rendre à Melbourne ou être ici à Sebring. Pour moi cette course est historique et je tenais à venir encourager personnellement toutes les parties.” La suite de l’entretien était plus ‘musclé’ quand on l’a questionné sur les droits TV d’un championnat qui débutait. Sur le coup, on a un peu chauffé, voire même irrité le président de la FIA.
Audi s’en allait vers une 10e victoire à Sebring. Tom Kristensen décrochait un 7e succès, Dindo Capello un 6e et Allan McNish un 4e. Le triplé Audi ne pouvait pas être possible pour cause de problème électronique sur la #1. Une LMP2 terminait sur le podium et Charles Morgan assistait à la 5e place de la Morgan de Pla/Lahaye/Nicolet.
Le Super Sebring était attendu de pied ferme par la caravane WEC cette année. Un satané virus a tout mis à plat en 2020 et 2021.