A quoi tient une victoire ? A bien peu de choses… Jusqu’au 117ème tour, Toyota avait maîtrisé sa course. Après un départ impeccable des deux voitures, ne laissant pas les Porsche venir les menacer. Une course maitrisée même si les performances semblaient fluctuantes au fil de la dégradation du pneu. Buemi passait Conway au 7ème tour avant de devoir ralentir lui-même et voir Mike le repasser au 38ème tour. Une course maitrisée même si la n°7, vers la fin du double relais initial de Mike Conway, avait du légèrement ralentir en raison d’une barre anti-roulis arrière défaillante. Alors leader, Mike laissait donc de nouveau passer Sebastien Buemi. Et si la n°8 prenait alors le relais sans coup férir, TMG venait de perdre l’une de ses deux armes. Un changement d’aileron arrière probablement un peu plus braqué redonnera bien un peu de vigueur à la n°7 mais il n’était pas question de reprendre le tour perdu sur les deux Porsche 919. Des 919 qui, bien que gréées du kit aéro Le Mans à faible appuis, n’étaient pas aussi larguées qu’on aurait pu l’imaginer. Pas du tout larguées même ! Les écarts ne sont jamais montés au-dessus des 15 secondes lors du premier relais et les arrêts ravitaillement légèrement plus rapides dans le clan de Stuttgart permettaient aux pilotes des Porsche de rester nettement au contact des Toyota…
Après deux très légers premiers passages sans conséquence, la pluie décidait de s’inviter plus fortement au milieu de la 3ème heure. Les deux Toyota venaient juste de s’arrêter et étaient donc repartis en slicks. Idem pour la Porsche n°1. Mais la n°2 qui est régulièrement parvenue à allonger ses relais d’un tour ou plus face à ses concurrentes rentrait pile au bon moment pour faire le choix de monter les fameux pneus Michelin hybrides, la piste semblant suffisamment mouillée. Porsche décidait d’arrêter à nouveau la n°1 pour lui mettre les mêmes gommes. Toyota semblait piégé à cet instant précis mais la pluie fut de très courte durée.
La piste se mit à sécher très vite. Après avoir perdu pas mal de temps durant quelques boucles, les pilotes Toyota stabilisèrent leurs chronos au niveau des pilotes Porsche. Et les hybrides s’usèrent très rapidement obligeant les pilotes des deux 919 à revenir aux stands chausser des slicks conventionnels après 10 tours seulement pour chacun. Mauvaise pioche. Par conséquent, la Toyota n°8 reprenait la tête avec une avance confortable de 35 et 53 secondes sur les deux Porsche n°2 et 1.
Venait alors un fait de course qui allait conforter Toyota dans sa position de leader. Kevin Estre était subitement obligé de stopper sa Porsche n°92 en bord de piste, un début d’incendie se déclarant dans le compartiment moteur. Immédiatement, la course était placée sous le régime de Full course yelloc, figeant les écarts. Coup de chance pour la Toyota, c’était pile le moment pour elle de revenir aux stands pour son ravitaillement. Un arrêt quasiment gratuit sous FCY puisque le peloton roule à 80 km/h. Effectivement, lorsque la course reprenait ses droits, la n°8 conservait 22 secondes d’avance alors que les Porsche devaient encore ravitailler. La position de Toyota semblait alors vraiment solide.
Mais c’est justement à partir de ce moment précis que cela devint compliqué. 117ème tour donc, Pechito Lopez qui vient juste de prendre son tout premier relais en course pour le compte de Toyota, fait son premier tour en 1’42″3 sur la n°7ce qui est plutôt pas mal avec une voiture handicapée par sa barre anti-roulis. Hélas, Pechito n’ira guère plus loin. Dans le turn 1, il place ses roues sur le vibreur extérieur et c’est ce qui semble déséquilibrer la TS050 qui dès lors tire droit dans les pneus à très haute vitesse. Le choc est violent et la course est neutralisée par un nouveau Full course yellow. La Toyota est salement abîmée et José-Maria semble grimacer un peu. Première conséquence, les deux Porsche rentrent à leur tour aux stands pour un arrêt ravitaillement « gratuit » lui aussi. La n°8 vient de perdre l’un de ses deux jokers. Après quelques tentatives infructueuses de se sortir seul du bac à graviers, on finit par soulever la TS050 et la replacer sur le bitume. Pechito entreprit alors de ramener la n°7 aux stands au ralenti. Mais en essaimant quelques pièces ça et là sur la piste, il provoqua alors l’intervention du safety-car. Dès lors, les écarts sont réduits à peu de choses et lorsque le feu repasse au vert, les Porsche ne sont plus qu’à 6 et 10 secondes ! Tout est à refaire mais cette fois-ci, l’avantage semble basculer dans le clan de Stuttgart. D’autant que la Porsche n°2 parvient toujours à allonger ses relais. Au 169ème tour, Nakajima rend la Toyota n°8 à Sébastien Buemi auquel on donne 4 pneus neufs. La Porsche n°2 compte dès lors une belle avance et lorsque Brandon Hartley rentre 9 tours plus tard pour ce que l’on sait être son ultime arrêt, il repart avec 8 secondes d’avance. Mais en pneus ayant déjà un relais complet derrière eux. Avec ses pneus neufs, Sébastien Buemi remonte seconde par seconde. A 15 minutes de la fin, il est dans les roues de Brandon. Dans l’épingle après les stands, il porte une attaque, franche, à l’intérieur de la Porsche, en s’appuyant légèrement dessus sans que l’on puisse crier au scandale. Brandon n’insiste pas. D’autant que la pluie, légère, refait son apparition !
Pluie insuffisante toutefois pour réellement ralentir le rythme. Reste à savoir si Buemi va tenir jusqu’au bout avec les quelques litres d’essence qu’il lui reste ! Les Toyota ont pu faire des relais de 28 tours. Buemi a ravitaillé au 169ème tour, cela l’emmène donc jusqu’au 197ème. A 1 minute de la fin, il entame son dernier tour : le 197ème… Qu’il boucle sans faillir. Toyota l’emporte ! Pour 6 secondes sur la Porsche n°2 et pour quelques centilitres de carburant ! Buemi/Davidson/Nakajima remportent donc la première manche du FIA WEC 2017 devant Bernhard/Bamber/Hartley sur la Porsche n°2. Jani/Lotterer/Tandy ont été très légèrement plus à l’ouvrage que leurs collègues de la n°2 mais placent tout de même la n°1 sur le podium à 46 secondes. Après une sacrée partie de tournevis, les mécaniciens de la Toyota n°7 ont réussi à renvoyer la TS050 en piste, pendant que Pechito était envoyé à l’hôpital pour un scanner puisqu’il se plaignait du dos. La n°7 finit donc dans les profondeurs du classement mais… classée tout de même ce qui est fondamental pour le championnat. Malgré deux configurations très différentes, Porsche et Toyota nous ont offert un très beau spectacle, le kit low drag des 919 s’avérant finalement un atout précieux pour la consommation. Mais cela n’a pas suffi…
Le LMP2 a donné lieu à de superbes batailles tout au long de la course. Pourtant, Signatech Alpine Matmut doit ce soir, regretter la neutralisation de la course. L’Alpine A470 dominait jusqu’alors assez facilement la course (1 minutes à la mi-course). Mais une fois tout cela remis à zéro par la neutralisation, Matthew Rao n’eut pas le rythme suffisant pour endiguer le retour de ses adversaires. Le dernier ravitaillement n’a pas du non plus se passer de manière optimale car, alors qu’il semblait que la 3ème, voire la 2ème était jouable. Mais finalement, Nicolas Lapierre échoue à la quatrième place. C’est donc le Jackie Chan DC Racing qui remporte donc cette course après un sans-faute. Ho Pin Tung, Oliver Jarvis et Thomas Laurent ont été très solides et s’imposent de 19 secondes sur la Vaillante Rebellion n°31 qui elle aussi, comme la Toyota n°8, ne devait plus avoir beaucoup d’essence dans le réservoir lorsqu’elle a franchi la ligne… Le TDS Racing s’offre la troisième place du podium après une course étonnante. Si la pointe de vitesse de Matthieu Vaxivière est connue, si Manu Collard est encore vert, on savait que François Perrodo était le véritable gentleman driver de ce plateau LMP2. Il a parfaitement tenu son rang et si Manu Collard a du se contenter d’un seul relais (douleurs au dos?) Matthieu a superbement fini cette course. Les deux Oreca 07 du team Manor se sont longtemps affrontées directement pour finir aux 6 et 7ème places devant la seconde voiture du Jackie Chan DC Racing et la seconde Rebellion. Quant à la voiture du team G-Drive, très bien partie et en lutte pour la deuxième place initialement, elle a du rétrograder en raison d’une portière baladeuse…
Étonnamment, c’était d’ailleurs le jour des portières éprises de liberté ! Car la Ford n°67, partie en tête du GTE Pro dut totalement décaler sa stratégie lorsque la porte se mit à battre au vent dès le premier relais ! Sa course semblait dès lors compromise pourtant, après 6 heures d’effort, ce sont bel et bien Andy Priaulx, Harry Tincknell et Pipo Derani (quels débuts en WEC pour Ford!) qui s’imposent ! En fait, tout au long de la course, les deux Ford se sont échangés le commandement au fur et à mesure de leurs ravitaillements décalés. Elles s’étaient initialement envolées dans les tout premiers tours mais les Porsche et surtout la n°91 avait fini par recoller lors du premier relais après s’être débarrassée des Aston Martin et des Ferrari. Si les anglaises ne jouèrent aucun rôle dans cette course, les Ferrari revirent le jour lorsque celui-ci se fit plus sombre. Et que les gouttes tombèrent ! Il va falloir s’y habituer mais avec leur moteur recentré, les 911 ne sont plus les reines de la pluie. Les 488 ont repris ce rôle… James Calado et Alessandro Pier Guidi ont ainsi profité de la piste de nouveau humide en fin de course pour ravir la deuxième place sur la Ferrari n°51 après avoir longtemps bataillé avec les Porsche vers la mi-course. La Porsche n°91 de Lietz et Makowiecki sauve l’honneur de la firme de Stuttgart après une course ou les 911 ont semblé assez inconstantes. Performantes en début de course, elles ne semblèrent plus, par la suite, en mesure de menacer les Ford. Après son début d’incendie, la n°92 fut même contrainte à l’abandon.
Le GTE-Am s’est joué dans le tout dernier tour ! Pedro Lamy et Miguel Mollina se disputait la victoire de catégorie lorsqu’ils s’accrochèrent à Stowe. Si le pilote de l’Aston Martin parvint à se relancer, celui de la Ferrari Spirit of Race resta scotché sur place. Mais c’est bel et bien la Ferrari Clearwater de Mok/Sawa/Griffin qui in extremis va cueillir des lauriers inespérés ! Pour 1″7 aux dépens de l’Aston n°98 de Dalla Lana/Lauda/Lamy qui préserve tout de même la seconde place. Profitant de l’accrochage des deux leaders, la Porsche Proton n°77 de Ried/Cairoli/Dienst monte sur la troisième marche du podium.
Le classement final est ici.