Stéphane Ratel : “On émerge à marée basse…”

STEPHANE RATEL CEO SRO

Le succès n’a pas fait tourner la tête de Stéphane Ratel. Tous les feux sont au vert pour le patron de SRO Motorsports Group qui ne cesse de traverser la planète pour prendre soin des championnats couverts par SRO. L’inventeur du GT moderne pourrait très bien se la couler douce et surfer sur ce succès, mais ce serait très mal connaître le personnage. Entre FFSA GT, Intercontinental GT Challenge, Blancpain GT Series, Blancpain GT Series Asia, Stéphane Ratel est un promoteur très demandé. Malgré un emploi du temps bien chargé, la porte du bureau du patron de SRO Motorsports Group est toujours ouverte pour un entretien.

Quel est le premier bilan du Championnat de France FFSA GT ?

« Il est très positif. Nous sommes partis d’une feuille blanche avec deux GT4 sur le marché français : une BMW M3 GT4 et une Ginetta. Le premier objectif était d’avoir 20 autos sur la grille pour cette première saison. En avoir 30 est forcément une très belle satisfaction. L’objectif était le même en Blancpain GT Asia et le résultat est identique. On a une très belle grille dès la première année du GT4 en France. De nouvelles marques vont arriver en 2018 et d’autres se préparent. »

Le sujet de discussion dans toutes les équipes est de savoir si SRO pourra maîtriser les coûts. Qu’avez-vous à répondre aux équipes ?

« Le message à faire passer est très clair : il n’y aura pas de course à l’armement. On conseille aux équipes de ne pas changer leurs autos. La plupart des équipes ont des autos toutes neuves et celles qui arrivent sur le marché n’iront pas plus vite. On reste ferme sur le fait que la Porsche Cayman Clubsport MR GT4 est la référence car c’est la plus vendue. Elle est au centre du succès du GT4. La priorité absolue du GT4 est le contrôle des coûts. »

Il faut à tout éviter l’escalade des coûts du GT3 ?

« Une GT3 de nouvelle génération ne coûterait pas beaucoup plus cher si on l’engageait au niveau de compétition d’hier. De plus, sa valeur à la revente est bonne. Beaucoup ont pris comme exemple la Ferrari 488. D’une, une Ferrari reste une Ferrari. De deux, le concept permet de la faire évoluer en GTE. Maintenant, les moteurs durent plus longtemps, le coût au km n’a pas explosé. C’est juste le niveau de compétition qui a augmenté. On ne peut pas nier que cela coûte plus cher de gagner en Blancpain GT Series. C’est ce qui est le plus difficile à réguler. C’est aussi pour cela que nous avons instauré un nombre de personnes maximum en GT4. Il n’est pas question de voir une Silver Cup en France. »

Comment a été accueillie l’annonce des 10 Heures de Suzuka ?

« J’ai une tendresse toute particulière pour cette épreuve. C’est la première course à laquelle j’ai assisté hors d’Europe en 1995. Nous étions tous invités à aller à Suzuka et nous avons tous pris plein les yeux. Pour la petite histoire, la course de Suzuka reste mon meilleur résultat sportif où j’avais terminé 2e en GT2 derrière une Honda officielle. Le Groupe C a roulé à Suzuka, puis le BPR et le FIA GT. Le championnat GT japonais débutait à l’époque où nous roulions en FIA GT à Suzuka et ils ont bien développé le concept. Vingt ans plus tard, nous allons revenir avec le produit GT3. L’histoire est belle. Le SUPER GT connaît un franc succès et je suis persuadé que les marques vont répondre à l’appel et que nous atteindrons rapidement un niveau équivalent aux Total 24 Heures de Spa. »

Combien de GT3 sont attendues ?

« L’idée est d’avoir 50 GT3 en regroupant celles du SUPER GT, du Super Taikyu et de la Blancpain GT Series Asia. Il faut ajouter à cela les invités. On compte sur cinq à six autos soutenues par les constructeurs. Le potentiel est bien là. Les marques japonaises ont montré de l’intérêt. L’événement sera magnifique. »

L’Intercontinental GT Challenge continue sa montée en puissance ?

«  L’Intercontinental GT Challenge se structure petit à petit avec Bathurst, Spa, Suzuka, Laguna Seca. Pour le futur, aller en Afrique du Sud à Kyalami fait partie des envies. Toutefois, on ne veut pas plus d’une course par continent mais la question est de savoir si on compte cinq ou six continents. Si on en met six, mon rêve serait de retourner en Argentine à San Luis. Cela reste juste du domaine du rêve car dans ce cas, on sortirait du concept. L’Afrique du Sud a peu de GT3 et l’Amérique Latine quasiment aucune. Il faut y aller étape par étape. »

Venons-en à la Blancpain GT Series. Faire revenir les Gentlemen est la mission principale ?

« Nous menons actuellement une grande réflexion sur le sujet. C’est une chose de le vouloir, il faut aussi pouvoir. Honda a présenté sa GT3 à Spa, Lexus est au Nürburgring, on entend que Porsche veut accentuer sa présence en 2018. C’est déjà la guerre en piste. Si on ajoute plus de concurrents, ce sera encore plus la guerre. La question à se poser est de savoir si on veut que la Blancpain GT Series devienne une série uniquement réservée aux professionnels. Le pilote Am a déjà disparu de la Blancpain Sprint Cup. En Blancpain Endurance, la classe Am est passée de 15 à 5 et le Pro-Am de 25 à 15. On a plus de 20 autos en Pro. Est-ce qu’il faut dire que c’est un fait, que de nouvelles marques arrivent avec du Pro et du Pro-Am sans Am ? C’est un peu comme une centrale nucléaire en surchauffe qui peut exploser et ce n’est jamais bon. Revenir dans une zone de confort de 22 à 24 Pro, 24 Pro-Am et 10 Am semble logique. Cette décision ne peut se prendre qu’en discutant avec les teams. On peut aussi limiter réglementairement mais est-ce la bonne solution ? On a identifié avec les équipes les points qui peuvent rassurer les Am. Il faut une vaste consultation. En plus des meetings communs avec les teams, je vais avoir un entretien individuel pour connaître les attentes des uns et des autres. En Blancpain GT Series, nos interlocuteurs sont les équipes contrairement à la Blancpain GT Sports Club où ce sont les pilotes. »

Diriger les constructeurs vers l’Intercontinental GT Challenge fait partie des réflexions ?

« Les constructeurs peuvent concentrer leurs efforts sur les courses importantes. La formule peut fonctionner avec la présence de jeunes pilotes qui peuvent se faire remarquer. Jules Gounon en est le parfait exemple. Des Martin, Buhk ou Abril sont maintenant payés pour rouler. Si l’Intercontinental GT Challenge fonctionne, les équipes pourront s’appuyer sur les pilotes professionnels et ce n’est pas pour autant qu’il n’y aura plus aucun professionnel en Blancpain GT Series. Je le répète, il faut vraiment une réflexion sur le sujet. »

De plus en plus de marques ont des GT hybrides. A quand des hybrides dans un championnat SRO ?

« L’utilisation de cette technologie n’est pas simple en compétition. Les deux fondamentaux du sport automobile restent la tradition et l’innovation. Les gens veulent des GT qui font du bruit. Le sport automobile a besoin de cela et il ne faut pas mélanger les genres. La Formula E fonctionne car c’est innovant. La dernière voiture sera une voiture de course comme les derniers chevaux seront des chevaux de course. Peut-être que dans un futur assez lointain, les engagements seront plus modestes. Si tous les constructeurs ont une hybride qu’on peut faire rouler en toute sécurité, alors pourquoi pas. Est-ce qu’une hybride peut être gérée par une équipe privée ? Aujourd’hui, ce n’est pas possible et je ne pense pas que cela puisse arriver à court terme. »

La compétition-client est promise à un bel avenir ?

« Nos hommes politiques expliquent qu’il n’y aura plus aucun moteur thermique en 2040, d’autres prédisent cela pour 2030. Les villes repoussent de plus en plus le diesel. L’intérêt marketing pour le thermique est très dur à justifier de nos jours. La compétition-client permet à un constructeur de soutenir un programme pour 10% d’un programme entièrement officiel. On émerge à marée basse. On était un rocher sous l’eau. Maintenant, pour 10% d’un engagement officiel, on a des retombées médiatiques identiques. »

La catégorie GT4 ne cesse de croître mais plusieurs marques de prestige en sont écartées. On pense à Ferrari et Lamborghini. N’est ce pas un problème ?

« Si on fait du GT4+ en partant d’une Ferrari Challenge avec un moteur de 600 chevaux, il faut tout changer : transmission, freins, refroidissement, boîte de vitesses. Il faut reconstruire une toute nouvelle auto. Toute la conception de l’Audi R8 LMS GT4 s’est faite autour d’une puissance de 430 chevaux. »