Deuxième partie de notre entretien avec le pilote Duqueine Team, Tristan Gommendy (première partie ICI). Après avoir exprimé les objectifs de l’équipe en ELMS cette année, le Français est revenu sur sa relation avec Greg Wheeler, l’ingénieur de l’écurie, et aussi sur son goût pour le développement…
Vous insistez souvent sur votre relation avec Greg Wheeler, votre ingénieur, que vous connaissez depuis un moment. Quand l’avez-vous rencontré pour la première fois ?
« Je l’ai connu pour la première fois alors que j’étais chez TDS Racing en 2015, lui chez KCMG. A l’époque, l’ORECA 05 venait juste de sortir. Greg, Jacques Morello (directeur technique de TDS Racing) et moi avons discuté un jour pour savoir, comment on pouvait travailler ensemble. Nous avions quelques soucis de mise au point au départ car la voiture était toute nouvelle et seulement deux équipes l’avaient. Il était venu nous voir pour nous dire dans quelles directions lui allait. Il nous a alors proposé une collaboration un peu technique en se disant que c’était plus intelligent d’unir nos forces pour faire évoluer la 05 plutôt que de “galérer” chacun de notre côté. Il avait alors beaucoup apprécié notre discours technique et il a un jour demandé à Oreca de pouvoir me rencontrer. Nous avons discuté un moment et, en 2016, alors qu’il travaillait aussi pour Eurasia Motorsport en Asian Le Mans Series, il m’a dit qu’il cherchait un pilote Platinium pour épauler Pu-Jun Jin et Nick de Bruijn, ses pilotes de l’époque. J’ai accepté et ce fut le début de notre collaboration. J’ai fait l’ELMS avec eux où on signe un podium au Red Bull Ring, mais aussi les 24 Heures du Mans (Oreca 05 #33, 9e au général, 5e des LMP2) avec le meilleur temps en LMP2 lors de la Journée Test. C’est pas mal quand on sait qu’il y avait un Bronze, un Silver et que le niveau était déjà relevé. Ce fut une bonne première collaboration avec Greg et une année très positive. Cela avait été au-delà des espérances de l’équipe et des pilotes pour une structure qui découvrait tout.
Quand Greg s’est ensuite retrouvé chez Jackie Chan DC Racing, là encore il cherchait un Platinium pour rouler dans l’ORECA #37 en WEC. David Cheng me voulait dans la voiture, donc j’ai accepté. On s’est alors retrouvé, mais on ne collaborait pas vraiment ensemble car il était sur l’autre auto, la #38 de Jota, mais on était dans la même équipe. Lorsque je suis parti chez Graff en ELMS, l’écurie était à la recherche d’un ingénieur. Greg a été contacté et a accepté la proposition pour me rejoindre chez Graff. Il est donc vrai que nous avons travaillé ensemble plusieurs années, soit sur la même voiture, soit sur la voiture sœur. Maintenant, il me rejoint chez Duqueine Team et j’en suis ravi. »
Pourquoi était-ce si important pour vous de retrouver cet homme ? Quel rôle joue-t-il auprès de vous ?
« Je le connais bien, c’est vrai, et on se connait suffisamment pour savoir les qualités et les défauts de chacun. Dès mes premiers tours de roues sur un circuit, dès que je lui donne mes premières impressions, il me comprend tout de suite, il sait ce que je veux dire. C’est forcément un atout. La relation entre un ingénieur et un pilote est tellement importante que c’est bien d’avoir quelqu’un comme lui. Nous avons fait des pole positions, des podiums aux 24 Heures du Mans ensemble, beaucoup de podiums dans d’autres épreuves. Nous avons un niveau de performance réuni et une vraie volonté de travailler ensemble. L’Endurance, c’est aussi une aventure humaine. Ce n’est pas comme la monoplace, l’humain y est important. Duqueine Team en a pris conscience l’année dernière, c’est pourquoi ils ont cherché un nouvel ingénieur, trouvé le meilleur élément possible pour essayer de faire le lien entre lui et les trois pilotes. Le fait que Greg veuille retravailler avec moi a fait que tout cela tombait sous le sens.
Maintenant, est ce qu’il est important ? Il a remporté deux fois les 24 Heures du Mans en LMP2, a été champion du monde WEC avec Jota, il a montré qu’il avait compris comment fonctionnait l’endurance (rire). On ne peut pas remettre en question sa capacité à comprendre stratégiquement et techniquement l’Endurance. Nous avions besoin d’un élément comme lui ! »
En parallèle, vous avez été impliqué dans le développement de la Duqueine D08-M30 LMP3 de Duqueine Automotive. Aimez-vous ce rôle de metteur au point ?
« Le développement a toujours été quelque chose qui m’a intéressé. Quand j’étais en Formule Renault ou en Formule 3, c’était déjà un aspect qui faisait la différence avec mes coéquipiers. Ce n’était pas dans l’optique de faire la différence, mais c’est juste quelque chose qui m’a toujours intéressé. Comprendre l’évolution d’un set-up ou la pertinence d’un changement de réglage, de pouvoir le sentir, de pouvoir guider l’ingénieur, de pouvoir échanger avec lui, tous ces éléments font partie intégrale du plaisir que je vais avoir à faire ce métier. Lorsque l’on aime quelque chose, forcément on progresse et, d’année en année, c’est quel chose d’assez naturel. Le développement est quelque chose de difficile, cela demande d’assumer ses responsabilités. Ce n’est pas seulement dire que la voiture fait ci ou ça, il faut aider au niveau des décisions. Parfois, choisir des directions techniques, c’est prendre des risques et il faut les assumer. On peut aussi emmener le développement dans la mauvaise direction. Ce sont des responsabilités que, perso, j’adore !
Dans la continuité de ce que j’ai pu faire pour Duqueine en LMP2, Gilles et Max ont trouvé intéressant d’avoir le feedback d’un pilote typé monoplace / prototype. Je les en remercie car on a fait plus de journées que prévu. Je ne connaissais pas du tout le LMP3 et ce qu’ils recherchaient, c’était un œil extérieur sans avoir la déformation des pilotes LMP3. Le but est, si c’est possible, d’emmener une LMP3 dans la direction d’une LMP2. L’objectif est aussi d’aller chercher un maximum de charge aérodynamique et le potentiel de l’auto. Nous avons donc déjà fait plusieurs jours d’essais qui se sont bien passés avec beaucoup de roulage, beaucoup de voies de travail et de développement à venir également. C’est vraiment intéressant. »
Quel est votre avis sur cette Duqueine D08-M30 LMP3 ?
«Je suis plutôt en désaccord avec certains pilotes qui disent que le LMP3 est très proche du LMP2 ! Je trouve, pour ma part, que ce sont deux prototypes vraiment différents dans la philosophie et dans le feeling. Ce développement est intéressant pour moi, cela me permet de m’adapter car techniquement ce sont encore des choses nouvelles. Faire du développement avec un constructeur, ce n’est pas tous les jours, c’est donc une belle opportunité ! »