Tristan Vautier a enfin vaincu la malédiction et remporté les 12 Heures de Sebring, l’une des plus belles lignes à son palmarès. Le Français, tout comme Sébastien Bourdais et Loïc Duval, a été éblouissant en Floride, faisant le dos rond en début de course, à cause de divers incidents, pour mieux attaquer en fin d’épreuve. Endurance-Info a échangé avec le récent vainqueur !
Nous sommes quelques jours après votre victoire aux 12 Heures de Sebring. C’est certainement votre plus gros succès dans votre palmarès. Comment vous sentez vous ?
« Tout à fait, c’est certainement l’une de mes plus grandes victoires. Je me sens bien et également un peu soulagé car il s’agit tout simplement de ma première victoire en IMSA. A Sebring, j’ai signé deux fois la pole position, suis monté deux fois sur le podium en GT, ai fait plusieurs bonnes performances, mais pas mal de gens ont été surpris d’apprendre que c’était mon premier succès dans ce championnat. J’ai été près de gagner Petit Le Mans en 2018 avec Action Express Racing, on était tombé en panne d’essence au dernier virage terminant finalement 4e. Depuis que nous sommes tous les trois, avec Sébastien et Loïc, nous avons eu des débuts difficiles au niveau performance à Petit Le Mans. Mais dès les 12 Heures de Sebring l’an dernier, cela s’était mis à fonctionner. Sebring 2020 et Daytona 2021 nous ont été « un peu volés ». A la première, nous étions vraiment proches de la fin et en mesure de gagner. A Daytona, après 8 heures de course, on est de loin la voiture qui a le plus mené avant que cette GT, heurtée par un concurrent, ne parte en tête à queue juste devant moi et ne m’accroche au passage. Cela faisait donc deux courses où on l’avait un peu en travers. Nous étions vraiment bien au niveau du rythme et en lice pour la victoire.
Finalement, c’est le week-end où on galère un peu au niveau des réglages et pour que tout s’aligne en course. Pendant les 8 ou 9 premières heures, rien ne se passait correctement. Dès qu’une voiture se mettait en travers sur la piste, elle était pour nous. Après mon accident avec Felipe Nasr, en descendant de la voiture, j’en plaisantais même avec l’équipe en se disant que ce serait peut être bien de changer la couleur de l’auto. Ce fut vraiment une journée galère, j’ai fait les deux premiers relais dans la voiture avec la ceinture ventrale desserrée à cause d’un élastique bungee qui s’est mis en travers. Dans mon deuxième arrêt aux stands, l’équipe a réussi à régler cela. Après un break, Felipe Nasr sur la Cadillac #31 me percute. C’était mal parti en fait, mais, toute la journée, on s’est dit qu’il ne fallait pas abandonner, que peut être sur cette journée là, on pouvait avoir une bonne étoile, que tout pouvait se goupiller et c’est ce qu’il s’est passé ! En IMSA, il ne faut jamais renoncer ! »
Avez-vous cru pendant un moment que vous n’alliez pas gagner ?
« J’ai surtout eu très peur à la fin lorsque l’avance de Sébastien de deux ou trois secondes a fondu à six ou sept tours de la fin. On ne comprenait pas en fait. Il y a du coup eu un épisode de « oh, non, pas encore ! ». Finalement, Seb avec un sang froid énorme en réussissant à garder la tête alors que la voiture est presqu’inconduisible avec ce problème d’aileron arrière (lire ICI). Après on voit le temps s’écouler, cela tient le coup, on commence à y croire. Puis c’est le dernier tour, les deux voitures derrière se bagarrent et Seb est juste exceptionnel. Au final, cela le fait. Finalement c’était notre jour ! C’est marrant : parfois on fait tout juste et ça ne passe pas, et parfois rien ne va dans le bon sens, mais c’est ton jour et on gagne ! »
L’un des gros événements de la course est votre accrochage avec Felipe Nasr alors que vous sortiez tout juste des stands. Avez-vous compris ce qu’il vous arrivait ? (vidéo ICI)
« Quand on sort des stands, on ne voit pas ce qu’il se passe derrière dans le Turn 1. On reste donc bien sur notre ligne à droite et on prend alors de la vitesse. Là, c’est arrivé de nulle part, je n’ai rien vu venir. Comme je l’ai dit, la sortie des stands est difficile, je pense qu’il a été surpris de la différence de vitesse, il a fait un petit mouvement vers l’intérieur où la bosse est plus accentuée, c’était aussi son premier tour en pneus froids. La voiture a plus talonné que ce qu’il ne pensait. Le choc a été tellement violent que quand je me suis retrouvé dans le mur, je ne savais pas si la voiture pouvait encore rouler sur ses quatre roues ! Apres, c’est de l’Endurance, il ne faut jamais lâcher. J’ai alors pris quatre / cinq secondes, je redémarre l’auto, je repars. Elle vibre un peu car les roues sont au “carré”, le volant est un peu tordu, mais très peu. J’ai vu qu’elle roulait bien, qu’elle sous-virait un peu car le capot avant était un peu abimé. J’ai dit à la radio que j’allais faire un tour pour vérifier. Je ne suis finalement pas repassé au stand, et ça a été l’un de mes meilleurs relais ! C’est un peu un miracle quand on voit la violence du choc et cela confirme bien que c’était notre journée !
Il n’y a aucun souci avec Felipe. Il m’a tout de suite envoyé un message pour s’excuser. On se connait bien, c’est un pilote contre qui j’adore être opposé, on a toujours de belles bagarres et c’est quelqu’un de très fair play »
Vous avez mentionné Sebring 2020, Daytona 2021, et on pourrait en citer d’autres. Vous avez souvent été malchanceux en IMSA. Avez-vous douté un jour de ne jamais gagner ?
« C’est vrai qu’à un moment je me suis dit qu’il y avait pas mal de choses qui ne tournaient pas dans le bon sens. Est-ce que c’était un signe que cela n’allait pas le faire ? Est-ce qu’il faut faire autre chose ? La question m’a traversé l’esprit, je me la suis posé, mais je me suis dit que si je me posais cette question, c’est que c’était un signe du destin. On a deux façons d’y répondre : soit on se dit que cela ne va pas la faire, soit que c’est un test de persévérance. Tout cela a été mis à travers mon chemin pour voir à quel point je suis déterminé pour y arriver. Si tu passes ce test, tu peux alors passer au dessus de tout. Je me suis surtout dit que c’était vraiment ce que je voulais faire, que c’était ma vie ! »
Vous avez eu quelques bons retours des USA et surtout de France après votre succès à Sebring. Est-ce que cela va déclencher quelque chose comme un baquet au 24 Heures du Mans ?
«Le timing de Sebring est bon par rapport aux 24 Heures du Mans car les dernières décisions d’équipages vont se faire maintenant. Je suis très déterminé pour être au Mans cette année car, avec qu’il se passe en Endurance, il est important que je participe à cette course dès à présent. J’ai juste fait la Journée Test en 2018 avec Panis-Barthez Compétition. Maintenant, je veux disputer Le Mans et dans de bonnes conditions. Je sais que ce sera important pour la suite de ma carrière avec l’Hypercar et le LMDh qui arrivent. Les choses avancent pour les 24 Heures, il y a des discussions en cours. J’espère que cela va aboutir à quelque chose. »
Justement, vous avez aussi marqué des points auprès de Général Motors qui étudie une arrivée en LMDh via Corvette ou Cadillac…
« Effectivement, cela aussi est dans le bon timing. On ne connait pas les plans de GM par rapport au LMDh, il n’y a rien d’officiel, mais on sait qu’il y a un intérêt fort. Je roule pour Cadillac depuis 2018 et j’ai donc une relation assez solide avec GM. Cette victoire à Sebring ne peut que m’aider. Mais GM, 2023, le LMDh, ce ne sont pas des conversations actuelles. »