Dominique Noël travaille au sein du team Toyota Gazoo Racing (LMP1) en WEC. Il nous a envoyé une anecdote sur le chanteur Christophe qui s’est éteint dans la nuit de jeudi à vendredi. Ce dernier aimait les belles autos et motos. Il avait d’ailleurs roulé un peu en Porsche Cup. Avec l’accord de Dominique, nous avons décidé de partager cette histoire avec vous…
“Au début des années 80, je travaillais pour une écurie de course basée en région lyonnaise, une petite équipe car il y avait le patron, Jimmy Mieusset et moi. Il avait été plusieurs plusieurs fois Champion de France et d’Europe de la montagne (courses de côtes, ndlr).
En dehors d’être un patron très sympa et un excellent pilote, Jimmy restaurait et collectionnait les anciennes machines à sous et les vieux juke box. Au sein de la structure, j’occupais le poste de mécanicien, chauffeur de camion, team manager, pilote essayeur… liste non exhaustive.
Un jour où l’activité était tranquille, Jimmy me demande si je pouvais aller livrer, à Paris, un vieux juke box Wurlitzer qu’il a vendu à un collectionneur connu, le chanteur Christophe. Me voilà parti avec le camion qui sert à transporter d’habitude la voiture de course en direction de la capitale avec ce magnifique Wurlitzer, bien arrimé et protégé de couvertures.
Christophe habitait, à cette époque, dans le 16ème. Je me gare dans la rue et entre dans une cour privée qui ressemble à d’anciennes écuries pour chevaux, réhabilitées en box pour voitures de luxe. Rolls Royce, Ferrari, Mustang, Cobra et quelques motos Harley Davidson. En gros, une dizaine de voitures rutilantes qui attirent mon regard de jeune homme avant d’arriver à la maison, un bel hôtel particulier. Christophe me reçoit dans une pièce principale peinte en noir où trônent un superbe piano à queue laqué noir et une multitude d’instruments de musique (guitares, batteries)…
Très sympa, nous discutons autour d’un verre de jus d’orange, nous ne sommes que tous les deux, il n’est pas du tout impressionné par ma présence, je ne le suis pas par la sienne. Il était déjà une star que j’écoutais depuis longtemps, une quinzaine d’années depuis qu’il chantait “Aline” et nous nous tutoyons comme deux vieux potes. Il me dédicace son dernier 45 tours pour ma jeune sœur Nathalie, ce disque est toujours chez ma mère depuis toutes ces années.
Il me dit que nous n’allons pas nous fatiguer à décharger le Wurlitzer qui doit faire une centaine de kilos. A cette époque, les hayons élévateurs ne sont pas fréquents sur les camions. Il décide alors d’aller chercher des copains costauds pour faire le boulot. Nous voilà partis tous les deux sur une de ses Harley. Lui, avec sa gueule de beau mec connu, cheveux longs, blouson en cuir avec les franges. C’était une Harley Davidson comme on les faisait à cette époque : grand guidon, les chromes et la selle à deux niveaux, la personne derrière étant assise plus haut que le pilote.
Et évidemment, il a le casque noir qui va bien, les Santiags et les Ray Ban. Moi, je suis en Tee Shirt un peu délavé par les nombreux lavages, jeans et baskets et je n’ai pas de casque car ce n’était pas vraiment prévu d’aller faire de la moto avec Christophe dans les rues de Paris!
Il me dit : “prends le casque de ma fille, on ne va pas loin”. Sa fille devait avoir une dizaine d’années et le casque lui allait surement à merveille, un casque tout blanc. Mais, sur moi, on dirait une coquille d’œuf posée sur la tête de Calimero et, lorsque je suis sur la moto derrière lui, déjà plus grand que lui par la taille, je le dépasse de pratiquement tout le buste à cause de la selle qui est plus haute derrière que devant. Je regarde mon reflet dans les rétroviseurs de la moto et je sais déjà que je ne serai pas élu le biker de l’année.
Voilà un beau moment de cette parenthèse inattendue, un souvenir qui est brutalement revenu à l’annonce de son décès ce vendredi.
Je vous souhaite à tous un bon week-end…“