Lorsque vous montez à côté d’un pilote, un vrai, pas un pilote de canapé affalé avec la bedaine qui sort sous le tee-shirt, vous savez à quoi vous attendre. Vous savez que vous serez passager, c’est-à-dire que vous ne contrôlerez rien. Dans mon cas, j’ai vécu cela un paquet de fois sur circuit : protos, DTM, GT3, voitures de série. Le baptême le plus ‘démoniaque’ était avec Romain Dumas (décembre 2014) dans sa Porsche de rallye sur une petite piste tout près de sa base située sur le Pôle Mécanique d’Alès. Le genre de baptême où quand tu descends de la voiture, tu ressembles au facteur qui part en courant en criant ‘C’est des malades’ (lien) dans le film Les Visiteurs. Quasiment six ans jour jour pour jour plus tard, retour à Alès avec des ambitions revues à la hausse…
Les temps ont changé et la Porsche s’est transformée en RD Limited DXX pour le Dakar. Dans quelques jours, l’Alésien va faire voyager ses deux DXX avec tout le matériel nécessaire vers l’Arabie Saoudite. C’est lors de la présentation du programme aux médias locaux que nous avons fait le déplacement jusqu’à Alès pour voir la bête de près avec en prime la chance de faire un baptême. L’expression faire un baptême de piste prend tout son sens.
Depuis le dernier Dakar, le RD Limited DXX engagé par Rebellion Motors a évolué. Si le moteur est toujours emprunté à la Ford Mustang, le reste a été bien repensé : toit rabaissé, nouvelle carrosserie arrière, nouveaux amortisseurs, etc… Deux autos seront au départ du Dakar le 3 janvier prochain, une pour Romain Dumas et Gilles de Turckheim, son ancien copilote en rallye, une pour Alexandre Pesci et Stephan Kuhni.
Une fois la présentation statique terminée avec la mise en place d’un bivouac pour coller à la réalité, direction la piste d’essais située à une centaine de mètres du circuit asphalte. C’est l’occasion pour Romain de montrer le potentiel de l’engin sur une piste bien rocailleuse avant de céder son baquet à Valentin Simonet pour un essai qui paraîtra dans Auto Hebdo. Vu son sourire après un essai parfaitement maîtrisé, on sent que le DXX est un régal.
L’heure de la mi-journée approche et seulement trois personnes vont pouvoir s’installer en passager de Romain Dumas sur le DXX d’Alexandre Pesci, celui de Romain étant en phase de check up final avant l’envoi en Arabie Saoudite. Il n’y a pas de casque à proximité pour les cobayes d’un jour, donc possible que ce soit annulé par manque de temps. Vu les passages de Romain, je me dis que ce n’est peut-être pas plus mal car là on est loin du circuit qui reste malgré tout ma zone de confort.
Trois minutes plus tard, les casques arrivent. Bon ben là, quand il faut y aller il faut y aller. Lors de mon baptême en Porsche, j’avais eu la judicieuse idée de faire une vidéo avec mon téléphone, vidéo qui avait duré en tout et pour tout 7 secondes, soit jusqu’à ce qu’on soit en travers après seulement 100 mètres et que le téléphone m’échappe pour terminer sa course dans l’habitacle. Moi, j’attendais qu’on chauffe les pneus. La vidéo méritait un prix d’excellence car on avait le bruit et… mes chaussures. Maintenant, j’ai compris le truc : pas de vidéo !
Le tour part d’un plateau suivi d’une descente, une bosse, un grosse montée pleine de cailloux, une montée en terre, un petit plateau pour faire demi-tour, la descente en terre, les cailloux, une grande ligne droite, un virage à droite en aveugle suivi d’une épingle en montée et une équerre à gauche. On est loin de la Nordschleife pour ce qui est de la distance. J’ai bien repéré les lieux, donc c’est ‘tranquille Emile’.
Pour moi, Romain Dumas est à l’image de la description de Michael Jackson par Claudy Focan (lien). Au-dessus y a personne, au-dessous y a personne. J’ai un profond respect pour sa carrière et la passion qui l’anime. Nous y reviendrons plus tard quand vous verrez la vidéo de son atelier. Quand vous montez avec un pilote, pour lui il n’y a jamais de problème, tout est sous contrôle surtout quand il vous lance ‘on va y aller cool, la voiture doit partir sous peu pour le Dakar’. Même quand un pilote vous dit cela, vous sentez dans son regard un ‘ouais enfin on va pas se traîner non plus’.
Le premier exercice est de s’installer à bord même si mes 65 kg restent un avantage. Comme en 2014, je garde l’écharpe pour le style. Premier constat : assise au top, très bonne visibilité vers l’avant. Bon, je ne comprends pas la moitié des instruments sur le tableau de bord mais on ne part pas pour la spéciale de 419 km entre Riyadh et Buraydah. Vu la longueur du tour, il faut en profiter un max. Là, on est loin de la 4L des frères Marreau.
C’est parti ! Il faut savoir que l’engin est capable d’atteindre les 200 km/h. Rassurez-vous, je le crois sur parole. On fait 100 mètres que j’ai déjà les deux mains qui agrippent les côtés du baquet avec quelqu’un à mes côtés qui se fout de ma gueule avec un large sourire qui lâche ‘mais on n’est pas encore parti” Pas parti ? On arrive sur une petite bosse qu’on prend de travers, ce que perso je trouve sympa et light. Le light se transforme vite en hard avec les deux montées successives. L’engin bouge, tape dans tous les sens, plus ça monte, plus ça va vite. Je comprends mieux ce qu’endure du linge dans une machine à laver. On arrive sur le plateau haut avec un demi-tour effectcué aussi vite que j’ai l’impression qu’on est en drift. Il faut ensuite redescendre mais on a levé tellement de poussière en montant que je ne vois rien de rien. On descend pleine balle dans un nuage de poussière pour attaquer une ligne droite avec un DXX qui louvoie au gré de l’état de la piste. On attaque l’épingle en montée pour arriver dans l’équerre qui me semble si serrée que je me dis qu’on va finir sur le toit compte tenu la vitesse à laquelle on arrive. Le pilote contrôle parfaitement et le DXX passe l’équerre à la perfection.
Le tour se termine, je commence à me relâcher mais je me dis qu’on arrive un peu vite pour s’arrêter. C’est à ce moment-là que je prends une grosse accélération pour un deuxième tour. Sauf que cette fois on a de l’élan donc on arrive beaucoup plus vite sur la butte puis pour enquiller la montée. Là les amis, dites vous bien que vous ne faites pas le malin. ‘On va y aller cool’ qu’il disait. Règle numéro 1 : ne jamais croire ce qu’on vous dit. Pourtant, tout est géré à la perfection sur le plan du pilotage. Impossible d’avoir peur mais en tant qu’ancien moniteur auto-école, je reste malgré tout un très mauvais passager sans double commande. Vous m’imaginez moi assis à droite en train d’appuyer à fond sur une pédale de frein. Ce RD Limited DXX est quand même un sacré engin à dompter et comme il faut du temps pour le dompter, j’ai le droit à un troisième tour de piste. En même temps, je n’ai rien eu à demander.
Comme avec la Porsche de rallye, l’expérience reste inoubliable et j’avoue que je ne vais pas regarder le Dakar de la même façon que par le passé. Quand je verrais devant mon petit écran les deux autos de Rebellion Motors sur les pistes, je pourrais faire le beau en disant ‘ouais j’ai été Gilles de Turckeim ou Stephan Kuhni’. Bon, ok moi c’était seulement sur trois tours à Alès.
Dis donc Romain, pour finir mon top 3 des expériences inoubliables, y a pas un baquet dispo pour moi à tes côtés dans la Volkswagen ID.R par hasard ? Allez promis, je ne bougerai pas. Enfin j’essaierai…