On ne vous apprendra rien en vous disant qu’Internet a révolutionné le monde des médias en sport auto. Au siècle dernier, il fallait attendre chaque semaine Auto Hebdo pour avoir les résultats du week-end précédent. Le début des années 2000 a permis de voir l’éclosion de plusieurs sites Internet. Ils s’appelaient Spirit Of, Virages, Maison Blanche, Planet Le Mans ou GT-Eins. La plupart de ces médias 2.0 ont disparu. Ils ont pourtant tenu la discipline Endurance durant des années avec des infos quotidiennes.
Jérôme Mugnier, fondateur de Virages.net, était l’un des artisans du web. C’est à lui qu’on doit l’idée des petites brèves chères à Endurance-Info. Retour sur l’histoire de Virages.net avec Jérôme Mugnier.
Votre passion pour l’Endurance est ancienne ?
“A la fin des années 80, j’étais à New York chez un ami. Un Français, venant de Californie, se pointe à un repas avec des magazines de voitures. On a parlé durant tout le déjeuner et le gars en question était Stéphane Ratel. Plus tard, je vais chez mon ami en région parisienne et le même Stéphane Ratel était là pour voir le frère de mon ami au volant d’une Lamborghini Countach blanche. Avant ces années-là, je lisais Auto Plus. J’ai ensuite découvert le BPR en 1995 à Montlhéry, organisé par le même Stéphane Ratel. J’ai un oncle qui travaillait à la régie pub du groupe Hommell qui m’avait demandé si je voulais venir voir la reine de l’Endurance qui était à cette époque-là la McLaren F1. Là, j’ai pris une grande claque : le look, le bruit, le paddock accessible et tout le BPR de la grande époque.”
La passion s’est vite développée ?
“J’ai de suite appelé mon oncle pour savoir s’il était possible d’aller aux 24 Heures du Mans. Et là, la deuxième claque. Je suis pourtant arrivé une heure seulement avant le départ. Tu ne connais rien et tu vois tout cela. J’ai le souvenir des Marcos avec tous les Anglais qui criaient. Nous, on venait pour les McLaren. On a pu s’approcher des autos et là je me suis dit que c’était accessible. J’ai acheté Auto Hebdo le mercredi suivant et c’est parti… De fil en aiguille, je suis allé voir d’autres courses. Je suis revenu au Mans en 1996 et 1997. J’étais plus intéressé par les GT que par les prototypes alors que maintenant c’est l’inverse. Internet était encore naissant et je vivais la vie d’un passionné qui essayait de se rapprocher au plus près.”
La rencontre avec Spirit Of a tout déclenché ?
“C’était la première génération des sites dédiés à l’Endurance. Virages.net à la deuxième et Endurance-Info à la troisième. C’est aussi à cette époque que la discipline s’est structurée. Tout est devenu un peu plus ultime. Le tournant a été en 2000 où j’ai rencontré Pascal Thébault qui gérait Spirit Of. La passion, le développement d’Internet et j’ai toujours eu la passion du journalisme. J’envoyais des articles qui étaient publiés. La meilleure des reconnaissances était d’avoir son nom sur le site. Pascal nous a expliqué les règles et la déontologie. On était en quelque sorte les pionniers. A cette époque, nous étions principalement axés sur le FFSA GT. La difficulté de l’actualité est de courir derrière et c’est compliqué de faire de l’actu sans se déplacer.”
Les accréditations étaient simples à obtenir ?
“Quand la presse traditionnelle a vu arriver Internet, il y a eu un peu de moquerie, mais les accréditations étaient délivrées sans trop de problème. Jacquie Groom et Patricia Kiefer ont été très conciliantes avec nous pour le FIA GT. Il y a eu le FIA GT à Magny-Cours, Spa, Monza. C’était très facile avec les pilotes. On avait des lecteurs du milieu, tels que David Floury, Benjamin Durand, Jérôme Policand ou Patrice Goueslard. Patrice avait d’ailleurs tout compris de l’intérêt d’Internet. Tout était fait avec notre argent, sans le moindre sponsor. Nous étions les défricheurs…”
L’équipe était importante ?
“Il y avait Reynald (Hézard), David (Legangneux), Oliver (Beroud), Jean-Eric (Descombes) et Elpé comme dessinateur. Ma spécialité était les brèves et la galerie décalée (ce que Endurance-Info a repris par la suite, ndlr). Spirit Of s’est arrêté fin 2003 et on s’est retrouvé quelque peu orphelin. On a eu l’impression que la lumière s’éteignait.”
L’idée était donc de créer un site ?
“J’ai pris quelque chose de gratuit en .fr qui est devenu par la suite Virages.net puis Virages Media. L’objectif était d’avoir au moins une brève par soir. Malheureusement, il a fallu tout payer car les revenus étaient nuls. On payait les déplacements avec nos deniers sans nous préoccuper de l’affluence sur le site. En fait, on regardait en fonction des connexions par pays. On parle d’une audience d’une centaine de clics par article au début. Un live texte des 24 Heures de Spa était en place avec des articles et des photos. L’esprit était identique à aujourd’hui, mais en plus petit. Tout tenait à quelques articles. Reynald et David étaient avec moi sur les circuits.”
Vous restiez en Europe ?
“Pour moi, le grand saut était 2003 où j’ai couvert tout seul les 12 Heures de Sebring pour Spirit Of. La veille du début des hostilités, les Bentley tournaient en essais privés. C’était mon premier long voyage pour une course. A cette époque, j’étais Bentley, Panoz et Audi R8. Au fil du temps, je suis allé de plus en plus loin. La meilleure des cartes de visite était la chemise avec le nom du média.”
Le site s’est rapidement développé ?
“Oui au point d’avoir des stickers sur certaines autos. Le développement du site m’a permis de travailler pour Le Mans Racing et pour l’ACO durant les 24 Heures du Mans. J’ai aussi couvert les 12 Heures de Sebring pour Flat6 du temps du RS Spyder, sans oublier World in Red avec Ferrari. Le problème est qu’à un moment, cela devenait trop compliqué de combiner le tout avec un travail en parallèle, sans oublier que je me suis marié. Il a donc fallu voir quelles étaient mes priorités. Virages.net s’est arrêté fin 2007 au moment où Endurance-Info est arrivé. C’est comme si l’aventure continuait.”
Vous restez à l’écoute de la discipline ?
“Je reste fidèle à Auto Hebdo et Endurance-Info. Je m’informe toujours et j’ai beaucoup d’admiration pour ceux qui écrivent car tout est plus compliqué à expliquer. Avant, il y avait un règlement et c’était ‘que le meilleur gagne’. Maintenant, il y a la BOP, la catégorisation de pilotes et on finit par s’y perdre. J’ai du mal à comprendre les différences entre les championnats SRO comme l’EoT en LMP1. J’attends le renouveau de la catégorie reine. Pour moi, l’aventure Virages.net était géniale avec des rencontres incroyables.”