Cette dramatique crise sanitaire qui traverse actuellement le monde nous rappelle que la mondialisation n’a pas que des effets positifs. Des Français l’ont bien compris et ont décidé de se lancer dans la construction d’un prototype pour aller aux 24 Heures du Mans. Une photo postée récemment sur les réseaux sociaux de Matthieu Vaxiviere et Paul-Loup Chatin nous a intrigués. Ce montage montrait un prototype au Mans. Après une première recherche, on s’est aperçu que l’auto portait le nom de ‘1789’ et que le constructeur s’appelait Vision Automobiles. Tout un symbole !
Fondée pas deux amis, Thomas Castex et Florian Gravouil, Vision Automobiles veut redonner ses lettres de noblesse à l’automobile de prestige française. C’est par la compétition et les 24 Heures du Mans que ‘1789’ doit débuter sa carrière. Michelin, WRTI, Genaris Group, Estival Prototypes, Faster et Ferdowsi Consulting font déjà partie des partenaires du projet. Thomas Castex nous en a dit un peu sur cet ambitieux prototype ‘made in France’, du châssis au moteur en passant par les pneumatiques.
“L’idée est d’aller au Mans et ensuite de produire”, a déclaré Thomas Castex à Endurance-Info. “C’est clairement la volonté affichée de notre groupe de personnes qui planche sur le projet. Personnellement, j’ai toujours été passionné par le sport automobile et l’automobile en général.”
L’objectif est de rejoindre dans un premier temps le Garage 56 qui fait la part belle aux nouvelles technologies. Le prototype sera hybride avec une partie thermique fonctionnant au bio-méthane. Pour cela, Vision Automobiles travaille en collaboration avec WRTI, en pointe sur l’utilisation du bio-méthane.
“La voiture devra avoir, en appui du bio-méthane, une partie électrique pour avoir un boost”, précise Thomas Castex. “On a une échéance pour intégrer le Garage 56, mais le Covid-19 ralentit les choses. Après ce Garage 56, il sera temps de passer la voiture dans une catégorie réglementaire. On a des pistes de réflexion, mais c’est un peu tôt pour en parler.“
Vision Automobiles poursuit son travail de levée de fonds dans l’attente d’une reprise de travail en dehors de la maison. Le projet ‘1789’ est 100% français, y compris pour les sous-traitants sans une seule entreprise étrangère. “Faire du franco-français nous coûte plus cher, mais c’est un choix assumé”, explique l’un des initiateurs du projet. “Toute la maquette est faite en France. On s’est renseigné en Chine et le prix était pourtant divisé par trois. C’est une volonté éthique et environnementale de tout faire en France. En agissant de la sorte, l’impact environnemental est bien moins important. On ne parle d’impact qu’une fois que le produit est terminé, mais il faut aller au-delà. Vision Automobiles tient à montrer qu’en France on sait faire des choses sans être obligé d’aller à l’étranger.”
Vision Automobiles peut s’appuyer sur Paul-Loup Chatin et Matthieu Vaxiviere pour donner des conseils et aiguiller le constructeur sur ce qui peut être amélioré au niveau des besoins du pilote. Pour l’engagement en compétition, Vision Automobiles s’appuiera sur une équipe déjà en place.
A 33 ans, Thomas Castex n’est pas effrayé par le fait de se frotter aux grands constructeurs : “La compétition n’est jamais quelque chose de facile et je trouve que c’est excitant de se frotter aux grands. On y va tous pour vendre un produit et montrer que tout est possible. On a tous la hargne pour y arriver, je ne pense pas à l’échec.” Thomas Castex est le seul des différents associés à ne pas être issu du monde de l’automobile.
L’annonce du motoriste sera faite ultérieurement, mais on sait déjà que celui-ci sera français. A l’époque, WR proposait un moteur V8 biturbo. Les partenaires de Vision Automobiles apportent une aide bénévole : “Ils font beaucoup pour nous et on les laisse se concentrer sur la situation actuelle. De notre côté, on se concentre sur la levée de fonds afin de les rémunérer.”
‘1789’ aurait pu débuter sur la route avant d’aller sur la piste, mais c’est le chemin inverse qui a été privilégié : “On veut naître sur la piste pour aller sur la route. On nous a souvent reproché ‘qui êtes-vous pour prétendre vendre un objet aussi cher ?’ On parle de 10 à 15 autos par an avec une voiture qui se situe au niveau de Pagani, Koenigsegg et l’Aston Martin Valkyrie en termes de performance et de prix. On se présente comme un ‘cluster’ des sociétés qui nous font confiance. C’est un regroupement de talent. Dans mon secteur professionnel, j’ai travaillé avec les meilleurs ouvriers de France et c’est ce que l’on veut reproduire avec la voiture de série.”
Le modèle routier aura les mêmes caractéristiques techniques que la version de course qui va servir à valoriser la technologie. Vision Automobiles se veut être un vrai laboratoire.
“En France, on peut faire des choses incroyables”, se réjouit Thomas Castex. “La situation actuelle nous renforce en relocalisant ce qu’on sait faire dans l’Hexagone. Le Mans, c’est en France, chez nous. Cela va nous coûter plus cher, mais ça va créer des emplois. Le sport auto sert aussi l’automobile. La voiture ne doit pas être mise à la poubelle, je ne crois pas à la solution unique et on doit ramener l’industrie en France. Des constructeurs comme Rimac et Koenigsegg vendent des brevets à d’autres constructeurs, ce que nous espérons également faire de notre côté. Accélérer vite sur 1 km, c’est bien, mais disputer une course d’endurance de 24 heures, c’est quand même autre chose.”
Les visuels laissent présager de la version définitive (75 à 80% du produit final). La voiture de route est attendue pour 2024. “Le produit qu’on vendra sera sans concession. Mon repère est la Ferrari F40. Pour la conduire, il fallait être un pro et c’est une belle auto. On va revendiquer une voiture qui fait mal. La France a été le fleuron de l’automobile et les deux guerres ont fait tellement de mal à l’automobile française. On travaille pour que le rêve ne reste pas un rêve.”