Diriger une course est tout sauf un long fleuve tranquille, qui plus est dans un championnat mondial. Pour un travail plus approfondi, Eduardo Freitas, directeur de course du FIA WEC, peut s’appuyer sur Yannick Dalmas. Le quadruple vainqueur des 24 Heures du Mans a toute légitimité pour endosser le rôle de ‘race advisor’. Parmi ses multiples fonctions, Yannick Dalmas fait le lien entre les pilotes et la direction de course.
Personnage clé de l’effectif du FIA WEC, le natif du Beausset interviendra régulièrement sur Endurance-Info. Il répondra à vos questions, vous expliquera le pourquoi du comment de telle ou telle décision. Premier volet avec sa fonction au sein du championnat…
Comment avez-vous intégré le FIA WEC au poste de Race Advisor ?
« Je suis arrivé à ce poste grâce à Gérard Neveu, directeur général du championnat. L’idée de départ était de collaborer sur trois courses, à savoir Silverstone, Spa et Le Mans. Avant cela, un pilote de chaque pays visité était mis à contribution, ce qui déstabilisait quelque peu l’organisation des commissaires sportifs. Nous sommes là pour une efficacité optimale. La fonction est de plus en plus prenante, parfois avec des tensions. Il faut une certaine confiance pour que les décisions soient bien comprises. »
Votre fonction a évolué ?
« Elle est en constante évolution avec quelques ajustements au fil du temps. J’ai un mot à dire sur les dégagements, les vibreurs et la sécurité autour du circuit. Mon expérience de pilote est importante. Tout est fait avec le consentement du directeur de course. Eduardo (Freitas) travaille avec beaucoup de rigueur et de méthode. Il a souhaité que je sois au volant de la Leading Car et du Safety Car, toujours avec nos propres véhicules. En agissant ainsi, on fait tout pour éviter les surprises. Des échanges continus entre les différents services ont lieu sur chaque meeting. Il faut contrôler la piste, la signalétique, le système de communication entre les équipes et la direction de course. La décision finale revient toujours au directeur de course. Parfois, je peux ne pas être d’accord. On discute, on échange et Eduardo tranche. »
Vous faites partie des premiers à arriver sur le circuit et le dernier à partir ?
« En général, on arrive le mardi ou le mercredi. Des exercices sont en place systématiquement sur chaque circuit en amont. Il faut contrôler la voiture Medical Car qui change en fonction des circuits empruntés. Je suis aussi chargé des extractions où il faut contrôler l’efficacité des équipes médicales. On s’est aperçu de carences dans certains pays. Il faut garder à l’esprit qu’on ne manipule pas une LM P1 hybride comme une GTE. Les journées sont bien remplies et la tension retombe plusieurs heures après la course. »
Intervenir sur une LM P1 demande une procédure particulière ?
« Jusqu’à l’année passée, une ‘Track Car’ faisait partie du protocole de sécurité. En cas de problème mécanique ou sortie de piste d’une LM P1, j’étais chargé de partir avec Denis Chevrier (FIA). On s’arrêtait devant le stand du constructeur pour embarquer un membre de l’équipe avant de nous rendre près de la voiture. Les commissaires ne peuvent pas intervenir sur l’auto tant que la lumière n’était pas verte. Cette année, ce n’est plus nécessaire car les constructeurs ont fait l’effort de sécuriser leurs autos. Sur chaque circuit, des emplacements sont dédiés pour les parquer en cas de souci. »
Votre mission est la même sur chaque meeting ?
« La fonction reste la même toute la saison mais il n’y a aucune rengaine. Je donne aussi mon feeling sur l’état de la piste au directeur de course. Je ne suis pas là pour me faire voir ou me mettre en avant. Eduardo m’appelle sa conscience (rire). Chacun doit rester à sa place. A Mexico, on m’a chargé de contrôler l’état de la piste durant les essais de Formula V8. Avec l’expérience, je peux dire si la piste est praticable ou pas. L’important reste la sécurité. Nous sommes dans un Championnat du Monde. On se doit donc d’être pointu. On a de grosses responsabilités et il faut une totale confiance du directeur de course. Je n’hésite pas à aller discuter avec les pilotes pour avoir leur ressenti. Avoir le retour des pilotes est très important. »
Vous avez testé les LM P1 l’an passé à Bahrain. Un vrai plus pour une meilleure compréhension ?
« C’est un vrai avantage pour mieux comprendre le comportement des pilotes. J’ai compris la complexité des LM P1 et le travail fourni par les pilotes en piste. Sur certains incidents, on peut dire si le pilote est en faute ou pas. C’est plus facile pour moi d’expliquer les choses. Le niveau de pilotage en FIA WEC a considérablement augmenté. On a de nouveaux pilotes qui doivent s’habituer au trafic. Tout évolue aussi grâce aux pilotes. »
Votre rôle est tout sauf une promenade de santé…
« (rire) Quand on est pilote, on ne se soucie que de soi. Là, c’est totalement différent. Lorsqu’il faut intervenir, c’est intense et soutenu. Je ne pars pas en vacances, je fais les choses intensément sans aucune amertume ni rancœur. Je connais les pilotes et je fais mon travail en toute intégrité. Il faut un regard à 180° sur chaque pilote. Chacun a son rôle et il y a un respect mutuel. »
Vous officiez également en European Le Mans Series. La pression est différente ?
« La pression est forcément moins importante même si les procédures restent les mêmes. En FIA WEC, nous sommes dans un Championnat du Monde avec des enjeux importants. Nous avons aussi lancé les extractions en ELMS. Il n’y a pas de médecin FIA, ce qui renforce ma relation avec le médecin responsable sur les courses. L’implication globale reste identique. »