Petit Le Mans 1998 marquait la répétition générale avant le lancement de l’American Le Mans Series l’année suivante. Une invitation pour les 24 Heures du Mans 1999 allait même être décernée au vainqueur. Entre les Ferrari 333 SP, Porsche 911 GT1, Porsche LMP1-98, Panoz Esperante et Riley & Scott Mk III, il y avait du beau monde en piste.
Alors qu’il était deuxième derrière le proto Porsche officiel de Michele Alboreto, Stefan Johansson et Jörg Müller, la Porsche 911 GT1 de Yannick Dalmas décolle pour terminer sa course dans le rail après une belle cabriole en l’air.
L’image de la Porsche qui décolle est spectaculaire. Une grosse frayeur ?
“J’étais deuxième derrière le proto Porsche. Une fois en l’air, j’ai réalisé que j’allais me faire mal. Ce qui est dur, c’est de subir car tu es passager de la sortie. Quand la voiture est retombée après le 360 degrés, ça n’a pas été très violent contrairement au choc avec le rail.”
Vous sortez indemne ?
“L’os du coude droit avait touché la coque, ce qui a occasionné une fêlure. Le choc était là aussi plutôt psychologique. Une semaine plus tard, nous étions à Homestead où une autre auto s’est envolée. La confiance n’était plus vraiment là. A Road Atlanta, le décollage n’a pas prévenu. Il y avait un petit dos d’âne mais des autos j’en ai piloté des tas. Je me suis raidi et j’ai tenu le volant bien droit. Avec Monza, ces deux sorties sont les plus importantes de ma carrière en Endurance.”
Vous avez connu une grosse sortie en monoplace en F3000 (la vidéo a été vue plus d’un million de fois)…
“C’était à Vallelunga en 1987. J’avais fait la pole et j’étais derrière Stefano Modena. Cette fois, c’est la suspension qui a cassé. Là, il m’a fallu plusieurs semaines pour m’en remettre avec un petit traumatisme et une compression au niveau des jambes.”
Revenons en Endurance. Vous devez aussi beaucoup à la solidité des autos ?
“Dans ces deux accidents, je pilotais pour un constructeur. Les autos sont tellement bien conçues qu’on ne pense pas à l’accident. La pire des choses pour un pilote est de subir un accident. Quand tu sors, les conséquences peuvent être très graves. Une rupture de frein ou la casse d’un porte-moyeu peuvent être lourdes de conséquences.”
Vous venez du monde de la moto donc vous êtes rompu aux sorties ?
“J’ai connu de grosses blessures dans mes années moto. Très jeune, j’ai connu de longues périodes de convalescence avant de remonter dessus.”
Durant votre carrière, vous suiviez un entraînement sportif intensif ?
“Les programmes sportifs m’ont sauvé. J’étais très rigoureux dans la récupération physique et mentale. Être performant ne demande pas que de tourner le volant. Il faut être à l’écoute et réactif. Tu vois vite les pilotes qui sont affutés. Généralement, je voyais un ou deux préparateurs et les équipes disposaient d’un kiné. Si tu es fort mentalement, le physique suit.”
Une sortie vous a fait réfléchir ?
“En 2002, lors de mes dernières 24 Heures du Mans, je roulais sur une Audi R8 du Team Goh. Durant les essais, mon aileron arrière s’est cassé avant la première chicane. Je me suis envolé, mais je suis retombé sur les roues. Là, tu commences à réfléchir. C’est aussi une question de motivation et de projet. C’est à ce moment-là que je me suis dit qu’il fallait arrêter.”
Aller contre ce que l’on veut est malsain ?
“Il y a une chose primordiale pour un pilote : si tu montes dans une voiture de course avec la peur, tu ne seras pas performant. Je n’ai jamais voulu me retrouver dans cette situation. Si la peur te gagne au volant, il faut arrêter. Certes, tu peux te faire des chaleurs au volant, mais courir avec la peur au ventre, c’est non.”
Dans votre rôle en WEC, vous êtes forcément amener à parler de sécurité…
“Je suis toutes les extractions, ce qui fait que je peux voir l’évolution des habitacles au fil des ans. C’est quelque chose qui m’a frappé. Tu regardes une 905 et un prototype actuel, tu vois tout de suite la différence. J’ai eu la chance de rouler dans deux LMP1 modernes (Porsche et Audi, ndlr), pas une fois je me suis dit que j’allais sortir de la piste. J’étais même un peu frustré car ça s’est vite arrêté (rire). Ce fut tout de même un privilège d’essayer ces deux LMP1 à une heure d’intervalle.”
Les choses ont bien évolué ?
“Déjà, nous avions des boîtes de vitesses manuelles même si la Peugeot 905 ‘Supercopter’ avait les palettes au volant, ce qui pour nous était le confort absolu. De nos jours, on ne sait plus ce qu’est un surrégime. Un pilote peut difficilement casser un moteur. Il n’y a plus de tableau de bord car tout est sur le volant. Le nombre de boutons a fortement augmenté.”