Il y a 20 ans, Porsche ne mettait pas tous ses oeufs dans le même panier aux 24 Heures du Mans. Si cette année, pour son 70e anniversaire, la marque allemande fait rouler quatre Porsche 911 RSR, deux 911 GT1 et deux ‘barquettes’ étaient en piste en 1998. Le constructeur a eu le nez creux puisque les 911 GT1 ont fait le doublé alors que les deux LMP1 ont très vite abandonné. Porsche faisait appel à l’expérience de Yannick Dalmas pour emmener un des deux prototypes en compagnie de Stefan Johansson et Michele Alboreto. Le pilote français a remonté le temps avec nous…
GT1 ou prototype, vous aviez le choix de votre monture ?
“En 1998, je roulais en FIA GT avec Allan (McNish) sur la Porsche 911 GT1. L’année précédente, le prototype développé avec TWR s’était imposé au Mans. Nous avions fait des comparatifs GT/LMP et j’avais indiqué à Porsche que je souhaitais rouler sur la GT1 avec Allan car nous roulions déjà ensemble en FIA GT. Cependant, on ne fait pas toujours ce que l’on veut (rires).”
Malheureusement, votre course s’est vite arrêtée. Stéphane Ortelli nous a confié il y a quelques jours que son équipage victorieux vous doit beaucoup…
“Avec Michele et Stefan, nous avons vite abandonné, si bien que j’ai basculé sur la GT1 de Stéphane, Laurent et Allan sans me changer. J’ai donc vécu la course en combinaison en apportant mon expérience des 24 Heures, notamment sur les petits détails. Il fallait assurer le doublé, calmer les pilotes dans le trafic.”
Vous gardez un bon souvenir de cette époque GT1 ?
“Les autos étaient magnifiques. En 1997, nous avions un tour d’avance avant l’explosion du turbo. J’avoue que cette édition a été dure à vivre. Porsche a ensuite voulu assurer pour 1998 en mixant GT et prototype. Je connaissais déjà le proto car j’avais remporté l’épreuve en 1994 sur une Porsche-Dauer managée par Max Welti. J’ai ensuite collaboré avec Porsche pour le BPR où je faisais équipe avec Bob Wollek. On passait beaucoup de temps ensemble à faire du sport.”
Beaucoup ont dit que 1998 était l’édition du siècle. C’est aussi votre avis ?
“Si on regarde le plateau, on peut clairement dire que c’était l’édition du siècle. 1998 était le plateau le plus relevé sans minimiser les autres. Nous avions de vraies autos de course à piloter et il ne faut pas croire que le travail du pilote était facile. Il fallait ménager l’auto tout en allant très vite. Malheureusement, Porsche a arrêté fin 1998 et BMW m’a contacté dans la foulée pour le programme Le Mans. Gerhard Berger m’a fait venir en me parlant du programme qui comprenait Sebring, Le Mans et des simulations de 24 heures.”
La préparation était importante ?
“Ma génération a beaucoup roulé en essais. Avant de signer pour un constructeur, j’avais une condition non négociable : au moins un test de 24 heures avant Le Mans. C’était ma condition. Le banc, c’est la piste. Avec Peugeot, nous avons bouclé des milliers de kilomètres en essais, des simulations, le développement de la version sprint. Il y avait un gros travail en amont. En 1991, nous avions bouclé quatre simulations, en 1992, cinq. Les simulations duraient 48 heures car il fallait arrêter avant de repartir. Le travail était colossal. Pour un pilote, c’était une période rêvée.”
Vous avez quelques anecdotes sur votre préparation ?
“(Il sourit). Ce que je peux dire, c’est que je ne laissais rien au hasard. On prenait de la myrtille pour habituer les yeux à la nuit. Il m’arrivait de faire sonner mon réveil au milieu de la nuit, de me lever à la hâte, d’enfiler un survêtement et d’aller courir une heure en pleine nuit. Il peut arriver qu’on prenne un relais qui n’est pas programmé, donc on se doit d’être de suite dans le rythme. J’ai d’autres anecdotes un peu plus cocasses que je raconterais dans quelques années (rires).”
Vous avez la particularité d’avoir gagné Le Mans à quatre reprises sur quatre autos différentes. C’est tout de même exceptionnel…
“J’aurais bien aimé rester avec un constructeur sur le plus long terme mais je ne maîtrise pas tout. Il faut saisir les bonnes opportunités. Comme je l’ai dit précédemment, ma condition était de boucler au moins une simulation de 24 heures. On l’a fait aussi avec McLaren qui avait moins de moyens. McLaren avait convié au moins un pilote de chaque équipe privée pour rouler avec nous. Si tu gagnes, tu ne gagnes jamais seul. C’est la même chose quand tu perds. Il ne faut pas combattre une nouvelle auto, il faut juste l’apprivoiser.”
L’époque Peugeot était à part ?
“Le programme Peugeot était solide. J’avais terminé la Formule 1 en ayant l’occasion d’y revenir pour deux GP en 1994 mais j’ai refusé. Peugeot, c’était comme un programme F1. J’ai très vite tourné la page F1. Je n’ai pas la moindre frustration.”
On parle d’un retour des GTP dans la nouvelle réglementation. C’est quelque chose qui vous ravit ?
“Aujourd’hui, les autos sont belles. Les fans peuvent s’identifier à une marque mais pas à une auto. Si on parvient à réunir les deux, cela va redonner un nouvel élan. J’ai toujours pensé qu’il fallait aller moins loin sur le côté technologique et que l’homme devait reprendre le dessus. Il faut avoir une bagarre d’hommes, de piste et de mécaniciens. Le Mans reste le meilleur banc d’essais au monde. On voit aussi que les différents circuits évoluent. Il ne faut pas oublier que le sport automobile est dangereux, cela fait partie de la course et il faut bien le garder en tête.”