Suite de l’entretien avec Yannick Dalmas avec vos questions posées au Race Advisor du Championnat du Monde d’Endurance de la FIA.
Ne devrions pas revenir à des circuits bordés d’herbe ?
« Le sujet des limites de la piste est en plein dans l’actualité. C’est un vrai problème et un casse-tête chinois. La FIA se penche sur la question, l’ACO également. On a connu la présence de bordures élevées très cassantes et je ne pense pas que ce soit la solution. Je ne suis pas favorable à l’herbe, mais bien à quelque chose qui fasse ralentir lorsqu’un pilote va au-delà de la piste. Aujourd’hui, c’est une question d’éducation. Au Mans, l’ACO a instauré des bordures depuis quelques années. Le pilote peut revenir sur la piste sans rien casser mais en perdant du temps. On voit en FIA WEC que des temps sont annulés en qualification si les limites de la piste ne sont pas respectées. Il ne faut pas oublier que les circuits doivent aussi penser aux motards. Selon moi, il faut pénaliser dans les formules inférieures et surtout éduquer. Un pilotage se doit d’être précis. »
Les voitures ne devraient-elles pas s’adapter aux circuits et non l’inverse ?
« Ce n’est pas mon avis. Les circuits récents sont conçus pour la sécurité. Il y a moins de victimes, donc c’est positif. Si les autos s’adaptent aux circuits, alors il faut ôter les ailerons, les pneus durs, etc… Une voiture de course doit rester puissante, émettre un beau bruit, avoir des gros pneus et le pilote doit être sur le fil dans les courbes moyennes et rapides. »
Ne regrettez-vous pas les circuits de votre jeunesse ?
« Je n’ai pas le moindre regret. J’ai eu la chance de rouler sur des tracés tels que Charade ou Rouen. C’était magnifique mais dangereux. Les meetings historiques reviennent sur les circuits plus anciens car les contraintes ne sont pas les mêmes. Il faut aussi vivre avec son temps. »
Ne trouvez-vous pas dommage que les autos ne puissent plus rouler quand il pleut ?
« J’aide dans les décisions à prendre et parfois ce n’est pas évident à comprendre de l’extérieur. Les voitures soulèvent un spray qui peut handicaper fortement la visibilité. C’est pour cela que le directeur de course m’envoie en piste pour juger l’état de la piste. La hantise des pilotes reste le manque de visibilité. Les autos vont très vite. Auparavant, on sortait moins la voiture de sécurité. On partait tous les tours à la guerre, on serrait les fesses et avec le recul, je ne sais pas si c’était bien raisonnable. Il fallait prendre des repères latéraux et se fier aux drapeaux. La configuration des autos actuelles amplifie ce phénomène de spray. Il faut aussi travailler sur l’écoulement de la piste. C’est tout un travail à mettre en place. »
Si c’était à refaire, vous suivriez le même parcours ?
« Je n’ai pas de regret et je ne pas aigri. J’aurais juste aimé être mieux accompagné à mes débuts en Formule 1. Peut-être que cela m’aurait aidé à mieux aborder ma carrière en F1. En étant seul, on prend le mauvais et on a du mal avec le bon. Ce que je n’ai pas eu en F1, je l’ai eu en Endurance en travaillant avec Jean Todt, Norbert Singer, Gordon Murray ou André de Cortanze. Si c’était à refaire, je pense que ma carrière en Endurance aurait débuté plus tôt. »
Avec le recul, le départ décalé des 24 Heures 2016 était-il indispensable ?
« C’est la première fois que Le Mans s’élançait sous régime de neutralisation. Que fallait-il faire ? Laisser partir les pilotes et prendre le risque d’avoir 15 autos dans le bac dès le premier tour ? Il faut faire entière confiance à la sagesse et à l’expérience du directeur de course. Beaucoup de choses ont été publiées à tort dans les médias. Il ne faut pas dire que c’était mieux avant. De nombreux pilotes sont venus nous voir en direction de course au Nürburgring après Le Mans pour nous féliciter d’avoir pris cette sage décision. »
Le sport automobile doit-il aller vers le risque zéro ?
« Tout est une question d’éducation. Les deux et quatre roues sont des sports à risque. J’ai débuté par le moto-cross et en enduro. Je me suis cassé tous les membres. On savait qu’on prenait des risques et le risque zéro n’existe pas. Tous les efforts réalisés sont fabuleux et vont dans le bon sens. Il faut s’approcher du risque zéro dans l’environnement. »
Les gentlemen ont encore leur place en LMP2 ?
« Les autos sont de plus en plus performantes, donc ils souffrent forcément un peu plus. Néanmoins, ils sont de plus en plus préparés, aussi bien en FIA WEC qu’en ELMS. Ils ont de hautes responsabilités la semaine et roulent le week-end. Le sport automobile est un sport d’élite. Les gentlemen s’attachent les services d’un pilote professionnel pour progresser encore plus vite. »
Pourquoi ne pas mettre une voiture de course en voiture de sécurité afin de coller encore plus à la réalité de la piste ?
« Si on avait 200 chevaux, ce serait ennuyant. Les autos que nous avons sont puissantes et je suis capable de hausser le rythme à la demande du directeur de course. Il faut que toutes les informations données aux pilotes aillent dans le bon sens. »
Quelle est votre vision du sport automobile dans 10 ou 20 ans ?
« Selon moi, un robot n’ira pas plus vite qu’un pilote à auto égale. Pour les deux décennies à venir, l’électrique, l’hydrogène et la pile à combustible vont se développer. Je vois bien une voiture fonctionnant à l’hydrogène remporter les 24 Heures du Mans d’ici environ 5 ans. »